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Voyage à travers le cinéma français : Rencontre avec Bertrand Tavernier

À l’occasion de la sortie de son documentaire Voyage à travers le cinéma français, rencontre avec Bertrand Tavernier, un amoureux du cinéma passionné et passionnant. Le cinéaste évoque ses rencontres « Jean Gabin, René Clair, Jean Renoir, Julien Duvivier… », sa vision sur le cinéma actuel et la façon dont il appréhende ce dernier.

Voyage à travers le cinéma français est un projet colossal qui vous a pris pas mal d’années et de temps. Aussi, vous avez rencontré des difficultés, notamment au niveau du financement, où vous vous êtes heurtés à pas mal de réticences…

Bertrand Tavernier : Pas des réticences mais un manque absolu d’intérêt. Je n’ai jamais réussi à voir les dirigeants de StudioCanal, en 12 mois. J’ai eu 6/7 rendez-vous, tous décommandés. Quand Thierry Frémeaux est intervenu, on m’a dit « on accepte de faire un film mais pour la télé ». L’idée d’un film sur le cinéma français plaisait, mais alors réalisé par Martin Scorsese. Ces remarques montrent le peu de considération dans laquelle ces gens (producteurs etc) nous tiennent. Pas de service public, mais le soutien de gens comme les dirigeants de Ciné + ou encore Gaumont et Pathé, notamment avec les Seydoux, qui font beaucoup pour le patrimoine et qui restaurent très bien les films. On ne savait pas très bien où on allait. Ce film a été une bonne piqure d’adrénaline.

Est-ce que vous pensez que le manque d’intérêt de ces gens qui sont des financeurs et des décideurs est du au fait que la cinéphilie se porte mal ?

Bertrand Tavernier : Regardez dans les gens qui écrivent sur mon blog. Il y a des masses de gens qui ont une connaissance, une passion. Vous avez vu le nombre de certains films que l’on catégorise de « difficile » dans les cinémas en France ? On ne peut pas dire que la cinéphilie se porte mal.
Aujourd’hui, la cinéphilie a changé, elle s’est modifiée, mais il y a dix fois plus de cinémas qui passent des films de répertoire de patrimoine en France qu’aux Etats-Unis.
Ce sont les institutions qui ont refusé, tout à coup, que les gens ne souhaitent plus voir de films en noir et blanc. Je ne peux pas dire que la cinéphilie se porte mal quand moi je suis président d’un festival où on fait 120 000 entrées en une semaine sur des films en noir et blanc. J’arrive à 9 heures du matin pour Hôtel du Nord, salle archi-comble. Les films qui n’ont jamais été montrés en France, qui ne sont pas connus ou qui n’existent pas en DVD attirent et enchaînent les salles pleines.
La cinéphilie ne se porte pas mal, mais on ne fait rien pour l’activer. Les gens du service public ne se bougent pas. Ceux de Arte, par exemple, m’ont dit qu’ils font des chiffres tout à fait intéressants sur des films peu connus. Je crois par exemple que récemment, il y a eu un très bon score sur le film de Pagnol.
Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui capitulent trop vite. S’il n’y aucune passion de la part de chaînes télévision pour le cinéma, qui plus est ancien, le cinéma crève. Des gens comme Vincent Lindon, quand on l’écoute parler, savent transmettre cette passion au public.

Pourquoi pensez-vous qu’aucun autre cinéaste, mis à part peut être Godard, ne s’est intéressé à créer cette histoire du cinéma français ?

Bertrand Tavernier : Il y a des gens qui font des documentaires qui sont souvent très bons, mais ils n’ont pas d’argent ! Les chaînes ne donnent pas d’argent ! On ne paie pas ! Il n’y a pas de créneau au CNC pour aider ce genre de projet. Ils sont moins aidés que les documentaires scientifiques. Le tarif auquel on achète ce genre de documentaires fait qu’ils ne peuvent pas être produits. Faute d’argent, impossible de mettre des extraits. Moi, pour l’émission du CNC pour fêter leur 70 ans, j’ai refusé de donner un extrait gratuit de Que la fête commence... Ils n’aident pas pour faire des films qui promeuvent certains cinéastes ou le cinéma français. Moi je suis fier, et ce n’est pas pour me vanter, de pouvoir dire que j’ai côtoyé Claude Sautet, Jean Sacha, Jacques Prévert, ou d’avoir longtemps fréquenté Jean Renoir. Je me mets une décoration comme étant unique sur ce fait. Moi je m’intéressais à tout. On est proche des historiens qui essaient de trouver les faits et qui ne se contentent pas de rumeurs. Il y a une école historique du cinéma français qui est tout à fait géniale. On ne jugeait que sur pièces, ce qui nous faisait dire « Tiens, il y a un film de Gordon Douglas qui est épatant, par contre, les westerns de Fritz Lang sont très très décevants. »

« Mon film n’est pas un film de cinéphile. »

Ce qui est très émouvant avec votre film, que l’on se considère comme cinéphile ou comme simple amoureux du cinéma, c’est que l’on découvre l’enfant cinéphile que vous avez été et le cinéphile que vous êtes devenu, créant un aspect immersif pour le spectateur.

Bertrand Tavernier : C’est vrai que j’ai été cinéphile, mais je ne me reconnais pas dans le comportement de beaucoup de cinéphiles. Mon film n’est pas un film de cinéphile. Ce n’est pas un film de guide de musée, ni de critique, ni d’historien de cinéma car je ne suis rien de tout ça. C’est un film de cinéaste qui entend essayer de remercier des gens qui l’ont marqué à vie et qui l’ont peut être aidé à faire ce métier. Moi, je ne me reconnais pas dans la cinéphilie car il y a cet aspect de « passion exclusive », de personne qui ne sont attachées qu’à un genre, une forme de cinéma ou à une nationalité. Moi en plus, j’étais intéressé par la littérature, le théâtre et la musique. J’allais beaucoup au théâtre, voire énormément, et j’allais écouter des concerts, dont Miles Davis. Donc cinéphile, mais cinéphile qui s’intéresse à la vie. Mais je connais des cinéphiles qui sont complètement coupés de la réalité du pays. Moi, je n’ai jamais jamais été comme ça.

Ce qui est également très intéressant dans votre film, c’est la place que vous accordez à la musique.

Bertrand Tavernier : La plupart des critiques de film n’ont jamais mentionné la musique de Bruno Coulais, compositeur du film, qui est remarquable car il arrive à se glisser dans des interstices en écrivant une musique extrêmement moderne qui rappelle Jaubert ou Kosma. Je pense que les musiciens, les compositeurs, sont les grands héros méconnus de l’histoire du cinéma français. Quand on lit les histoires officielles, on ne les mentionne pas, ou à peine, or pour moi ce sont des partenaires essentiels de la création d’un film. J’ai eu plusieurs fois des Oscars ou des Césars pour la musique et je pense que les musiques de mes films sont souvent formidables, j’en suis en tout cas extrêmement fier. Les compositeurs en France ont souvent travaillé dans une alchimie absolue avec le metteur en scène. Duvivier, René Clair, Renoir ou Grémillon choisissaient leur compositeur, mais le travail entre metteur en scène et compositeur n’a jamais été étudié.
J’ai toujours pensé que les compositeurs, spécialement dans le système français, sont les premiers critiques du film car ce qu’ils écrivent est inspiré par le film. Très souvent, leur musique dit beaucoup de choses sur le film. Par exemple, la mélodie de La fin du jour, réalisé par Julien Duvivier, et composée par Maurice Jaubert, est prodigieuse. La musique de L’Atalante est une des plus grandes partitions de toute l’histoire du cinéma français, voire du cinéma mondial. Les metteurs en scène tenaient les compositeurs en haute considération.

Quand on vous parle, et quand on voit votre film, vous semblez assez nostalgique du cinéma français. Est-ce le cas ?

Bertrand Tavernier : Ah non ! Je ne suis pas nostalgique ! Je suis passionné mais en rien nostalgique car je vois des films actuels en tout point formidables. J’ai salué en Catherine Deneuve quelqu’un dont la filmographie de ces dernières années est une des plus sidérantes dans l’audace, l’innovation avec des films réalisés par des metteurs en scène que j’adore qui vont de Desplechin à Emmanuelle Bercot en passant par Benoit Jacquot. Je n’ai jamais de nostalgie, j’ai par contre une grande passion pour ce cinéma (cinéma des années 30 à 70) qu’il faut redécouvrir.

« Les choix de mon film sont subjectifs et je revendique leur subjectivité. »

Vous effectuez un voyage à travers l’histoire du cinéma français, mais aussi à travers votre histoire…

Bertrand Tavernier : Ce n’est pas l’histoire du cinéma français, c’est une déambulation dans le cinéma français. Je n’ai pas de chronologie, je n’ai pas de date… Je ne parle pas du muet car je connais beaucoup moins bien cette période, et je n’ai pas de rapports spéciaux avec le muet. Les choix de mon film sont subjectifs et je revendique leur subjectivité.
Je n’ai jamais travaillé avec aucun cinéaste américain. J’ai énormément de points de rapport avec des cinéastes qui sont liés à ma création et à ma vie. Il y a forcément des gens que j’avantagerai, sur d’autres que je ne connais pas, car j’en aime certains d’amitié ayant travaillé avec eux.

Avec votre film, vous juxtaposez de nombreux cinéastes : Claude Autant-Lara peut côtoyer Renoir et donner l’impression de ne faire qu’un seul et même film. J’aimerais savoir si, lors de votre travail de préparation, vous avez redécouvert des films que vous aviez oubliés et est-ce que vous avez découvert des films que vous ne connaissiez pas ?

Bertrand Tavernier : Oui, j’ai découvert des films que je ne connaissais pas, ou que j’avais sinon oublié. La Tête d’un Homme, de Duvivier, je l’avais mal vu, et quand je l’ai revu je me suis dit que c’est un Duvivier majeur. Il y a aussi des films que j’avais découverts dans des copies terribles que j’ai redécouverts dans des copies intégralement restaurées, et là le film change complètement. Vous savez, il y a des cinéastes que j’ai redécouverts complètement, ou que j’ai découverts, pour certains. Pour un exemple : les comédies musicales que réalise Jean Boyer dans les années 30 sont absolument formidables. Prends la route ! est par exemple un vrai chef d’œuvre du genre, tout comme Un mauvais garçon. J’ai redécouvert René Clair et ses films comme Sous les toits de Paris ou 14 juillet qui sont des réussites absolument épatantes, avec un vrai, vrai charme. Ce sont des films que je méprisais quand j’ai été cinéphile. On méprisait beaucoup René Clair.
Tout comme les films de Maurice de Canonge. Jamais en commençant ce film je ne pensais que j’allais mettre un extrait d’un film de Maurice de Canonge. Police Judiciaire, par exemple, est un très très bon film. Il y a donc des cinéastes que j’ai découverts ou redécouverts avec énormément de bonheur. Il y a aussi certains films d’Henri Calef. Jericho est une vraie découverte, c’est pourtant un film qui est maintenant méconnu, mais c’est un des plus beaux films faits sur la Résistance.

Est-ce qu’il y a des œuvres qui vous ont marqué dans le cinéma français dernièrement ?

Bertrand Tavernier : Oh oui, beaucoup ! Mais je ne suis pas critique de cinéma, ce sont mes goûts ! Je vois en Philippe Lioret un vrai successeur de Becker, vrai cinéaste qui parle du monde populaire, de gens qui travaillent. Stéphane Brizé également ! J’avais aimé La loi du Marché, j’avais aimé ces films avant. Les films de Bercot, certains passages des films de Kervern et Delepine… Je n’ai que l’embarras du choix. Les documentaires de Depardon sont très très forts. Frédéric Tellier, L’Affaire SK1, c’est un super polar ! Le film de Vincent Garencq, L’Enquête, c’est très très bien ! Et le film de Christophe Barratier sur Kerviel (ndlr L’Outsider) il n’est pas mal du tout non plus !

Dans votre film, il y a un très grand nombre d’extraits de films, beaucoup sont restaurés, la qualité d’image est superbe, mais se pose la question des droits.

Bertrand Tavernier : Il est évident que j’allais rémunérer les auteurs des films dont je projetais un ou plusieurs extraits. On a acheté toutes les images au même prix afin qu’il n’y ait pas de différence. On a cherché la somme qui rentrait dans le budget qu’on nous allouait. On a payé 1000 euros la minute tous les extraits.

Est ce qu’il y a eu des films pour lesquelles vous n’avez pas pu obtenir les droits et que vous regrettez de ne pas avoir pu diffuser ?

Bertrand Tavernier : On a fini par trouver un accord. Il y a eu des débats avec certains détenteurs de catalogue qui demandaient des sommes qui faisaient capoter le projet car la clause disait qu’on devait payer tout le monde de la même façon. S’il y avait une personne qui avait plus d’argent, le film ne se faisait pas. Il y a des gens qui était sourds à ce raisonnement ! On a réussi, on s’est entendus et ça s’est bien passé. Il y a un seul film que nous n’avons pas pu avoir, pas pour des raisons financières ou de droits, mais parce que l’avocat d’un des héritiers ne donnait les droits que pour le film et non pour l’étranger ou la VOD. Le film en question, c’est Les Enfants Terribles, de Jean-Pierre Melville. On a passé des mois et des mois à négocier, on m’a dit que cet avocat était célèbre pour ce genre de pratique, ce qui fait qu’on ne voit pas d’extrait de ce long-métrage dans mon film.

Dans votre film, vous réhabilitez des cinéastes qu’on avait oubliés ou méprisés, et surtout, vous en remettez certains dans leur contexte. Aujourd’hui, on parle de Claude Sautet comme d’un grand cinéaste, comme si on l’avait toujours considéré comme tel, or vous montrez à quel point il fut méprisé.

Bertrand Tavernier : Il a été méprisé, mais, je ne veux pas me jeter des fleurs, quand on était attaché de presse, il n’était pas méprisé ! Les choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie ont un dossier de presse énorme. A la fin des années 70, Claude Sautet a hérité d’une certaine réputation. Il y a eu un clan de critiques qui s’est déchainé contre lui, même s’il avait beaucoup de défenseurs. En fait, les films de Sautet ont quand même été assez bien défendus, mais les attaques le peignaient de manière radicalement fausse comme un cinéaste bourgeois, ce qui le blessait beaucoup car ce n’était pas ses origines, étant d’origine tout à fait populaire, et ses films se passent dans la banlieue. Ils montrent très souvent des personnages populaires. C’est le corpus de films où on voit le plus de petites PME commencer à fermer, le chômage qui commence à gangrener la France. Il y a une vision quand même très forte de ces capacités de travail. Pour moi, Sautet est vraiment le cinéaste qui est l’héritier de Becker. Mais beaucoup de films de Becker étaient mal reçus ! Casque d’or a été très mal perçu par l’ensemble de la critique, et notamment par la critique communiste qui disait « Mais pourquoi s’intéresser à des apaches et à des prostituées quand des boulangers et des maçons feraient des héros bien plus représentatifs des classes populaires ? ». Même chose pour Touchez pas au Grisbi. La presse communiste de l’époque fait la fine bouche pour le film. D’une certaine manière, Becker est un cinéaste qui reste méconnu par rapport à son génie.

Dans votre chapitre sur Jean-Pierre Melville, vous évoquez un film trop peu connu du grand public qu’est Léon Morin Prêtre. Pouvez-vous nous en parler ?

Bertrand Tavernier : Je trouve que c’est le film méconnu de Melville. Les gens ne parlent que de ses polars, et c’est pour ça que j’aimerais également évoquer Le Silence de la Mer, qui est un film d’une puissance incroyable. Mais, Léon Morin Prêtre, je trouve que c’est un chef d’œuvre total. C’est un des films les plus casse-gueule au point de vue sujet et au point de vue dialogue. Le film évoque un aspect jamais montré dans les films qui est le passage dans certains endroits de l’occupation italienne à l’occupation allemande. Il y a 3/4 scènes qui sont formidables et qui sont traitées en arrière-plan, voire en off. On montre que les allemands et les italiens se sont également battus. Je trouve ce film formidable sur l’histoire de l’occupation de la France et c’est traité avec une subtilité extraordinaire par Melville. Je trouve Belmondo génial ! Et Emmanuelle Riva aussi, qui était perdue sur le tournage car Melville lui parlait à peine. Mais je pense que cette instabilité a aidé son interprétation sans qu’elle s’en rende compte.

Il est question d’une série de 8 films dans la continuité de votre documentaire Voyage à travers le cinéma français

Bertrand Tavernier : Pour l’instant, tout est monté à 70%. Mais il faut que je refasse des enregistrements des textes que j’ai écrits, il faut que j’en redise certains. Il manque des tas de plans qu’on doit filmer sur moi qui interviens, ce qui nous permettra de réécrire encore un peu le texte pour arriver à coller au minutage.

Quelle forme vont prendre ces suites de Voyage à travers le cinéma français ?

Bertrand Tavernier : Ce sera pour la télévision, pour Ciné + et France 5. Nous avons eu, pour la série, la télévision publique.

Et pourquoi ce premier volet au cinéma ?

Bertrand Tavernier : Car nous n’avons pu financer ce projet que de cette manière. Aussi, ça me convenait car je n’allais pas me heurter à des gens qui allaient me dire « Ah non, ne faites que 52 minutes ! ». Au cinéma, j’ai pu contrôler complètement la durée du film. On ne parle pas de case. À savoir qu’au départ, on m’a clairement dit « On ne peut pas passer vos documentaires car ils ne rentrent pas dans nos cases. », ce à quoi je leur ai répondu « Mais c’est à vous de faire des cases pour accepter mes films. » Pourquoi est-ce que tout le monde devrait faire des films dans le même temps ? Le Chagrin et la Pitié ne rentrait pas dans les cases des documentaires, Shoah non plus. La forme de certains documentaires nécessite une certaine longueur. Quand vous donnez la parole à des gens qui ne l’ont pas eue, c’est difficile de leur dire « Écoutez vous n’avez que 52 minutes pour vous exprimer, maintenant fermez la. »

Dans le film, vous montrez deux extraits d’une émission de Jean-Jacques Bernard qui passait sur Ciné+ ? Pourquoi ces extraits là ? Car il y en a eu des dizaines.

Bertrand Tavernier : Car ce sont deux extraits qui correspondaient, mais il faut savoir que j’en ai beaucoup d’autres dans la série. Mais ce sont dans ces extraits que nous avons trouvé de la matière sur Lucky Joe, de Michel Deville et puis sur Sautet. J’en ai d’autres, dont un très très bon avec Odette Joyeux sur Claude Autant-Lara, sur leur rencontre, qui est bidonnante. On a trouvé plusieurs séquences qui sont intéressantes dont une sur Henri Decoin, avec Deville. C’est une émission super, même si parfois il y avait une personne qui était très intéressante mais au final, elle ne disait pas grand chose. On a accès à la bibliothèque Ciné +. On regarde et il y a vraiment des moments de grand bonheur. Tout l’intérêt se trouve dans le fait que l’émission faisait parler des gens qu’on ne voyait jamais sur les chaînes publiques.

Est-ce que vous savez quelle place occupe, dans votre cœur, Voyage à travers le cinéma français, mais également dans votre vie artistique ?

Bertrand Tavernier : C’est une œuvre très importante. J’y ai mis beaucoup beaucoup beaucoup de moi-même. Ce film est devenu quelque chose de capital. Je savais qu’il y avait quelque chose qui était important dans ce film, et au fur et à mesure des mois, il est devenu de plus en plus important, de plus en plus essentiel. Ca me permet de parler de plein de choses que les gens ignorent.

« On était habité par Voyage à travers le cinéma français, et ce sera difficile d’en sortir. »

Ce film n’est-il pas un prolongement de votre premier hommage au cinéma qu’était Laissez Passer ?

Bertrand Tavernier : D’une certaine manière, c’est un hommage à ces genslà, à la dignité, au courage de beaucoup de cinéastes français à l’époque de l’occupation qui ont été relativement dignes et pour beaucoup assez courageux. Il y a beaucoup de motivations pour un film comme celui-ci notamment par le bonheur chez mon monteur Guy Lecorne quand je lui faisais découvrir des films. Devant Les Amoureux sont seuls au monde, Guy Lecorne m’a dit que c’est un des grands chocs de sa vie. Récemment, Le monte-charge de Marcel Bluwal a été une révélation et c’est un bonheur quand, dans une salle de montage, des gens témoignent de leur enthousiasme face aux découvertes de tous ces films. C’est devenu quelque chose qui nous habitait. On était habités par Voyage à travers le cinéma français, et ce sera difficile d’en sortir.

Est-ce qu’on peut espérer que certains des films dont vous parlez dans le film qu’on ne trouve actuellement pas dans le commerce auront une sortie DVD ou une diffusion prochaine ?

Bertrand Tavernier : Une bonne partie des films est trouvable en DVD. Les deux films d’Eddie Constantine, vous les avez chez René Château, tout comme Menaces, d’Edmond T. Gréville. Beaucoup de films de Becker sont chez StudioCanal, de même qu’il y a des films comme Le Garçon Sauvage, jusqu’ici introuvable, qui est maintenant chez Gaumont. En principe, presque tous les films dans Voyage à travers le cinéma français sont trouvables. Parfois, certains ont été retirés du catalogue. Le Mépris et Pierrot le Fou ont eu droit à de récentes restaurations, les films de Sautet également, tout comme ceux de Melville, qui sont intégralement disponibles. Maintenant, il y a certains films qui pourraient ressortir car il faut toujours mieux voir les films en salles, ou les passer chez les scolaires. Mais certains films doivent être restaurés comme Falbalas ou encore Sous le signe du taureau de Gilles Grangier, qui est assez sympa, c’est un film où Gabin joue un ingénieur. Dans le DVD, la photographie est trop éclairée, les couleurs sont moches, les décors sont moches, mais le ton du film et certains acteurs sont vraiment pas mal. C’est d’ailleurs le seul film de Gabin où il y a un élément autobiographique avec cette référence au débarquement car il a débarqué en Sicile, sur la Côte d’Azur et en Italie. Quand j’ai découvert cette scène, j’aurai aimé appelé Michel Audiard pour le féliciter.

Voyage à travers le cinéma français : Bande-annonce