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Maxence Germain © Ecce Films

Théo et Hugo dans le même bateau, un film d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau : Critique

Parmi de nombreux films français sélectionnés à la Berlinale cette année, une des perles se trouve dans la Panorama, dont l’importance n’est inférieure qu’à la Compétition. Théo et Hugo dans le même bateau, fruit de la dernière collaboration d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, raconte la première rencontre de deux jeunes hommes à Paris.

Synopsis : Ils se rencontrent dans un club libertin, mais la complicité entre eux dépasse le simple lien charnel. Dans les rues nocturnes, une histoire d’amour épanouit, mais le doute sur la santé vient briser leur confiance fragile. Ce sont deux flâneurs de la nuit parisienne à la recherche d’intimité, malgré leur insécurité.

L’amour et la maladie en temps réel

 Théo (Geoffrey Couët), novice dans un club libertin (ou une boîte à culs, selon le terme du milieu gay), couche avec Hugo (François Nambot), un jeune plus expérimenté. La scène de sexe dure une vingtaine de minutes avec en gros plans des vraies fellations, ce qui peut faire scandale chez certains. Son intensité reste pour la plupart de temps au même niveau et le public peut donc perdre patience vers la fin. Toutefois, ce choix est cohérent avec une esthétique réaliste. Après tout, le sexe n’est pas toujours comme dans le porno.

Le récit se veut en temps réel, à l’instar de Cléo de 5 à 7, une référence formelle soulignée par le titre international du film : Paris 05:59. Et comme le chef-d’œuvre de Varda, Théo et Hugo aborde aussi le thème de maladie, cette fois l’épidémie du sida qui est toujours un sujet au cœur de la communauté LGBT. Théo, bien emballé et ignorant du statut séropositif (sous traitement et non détectable) de Hugo, néglige de mettre un préservatif . La nuit engloutie de passion est interrompue par une visite à l’urgence hospitalière. Ici le film devient une sorte de mode d’emploi pour la prévention d’infection VIH après des rapports sexuels non protégés. Les auteurs présentent un mélange parfait de l’idéalisme et du réalisme en nous montrant ce qu’il faut faire en même temps que la panique qu’on peut éprouver.

Cet incident dilue la testostérone dans la première partie du film et permet une troisième partie plus calme et romantique. Le film a parcouru le chaud, le froid et enfin arrive à une promenade douce dans la nuit parisienne. Les conversations par lesquelles les protagonistes font plus ample connaissance sont particulièrement touchantes : chaque gay de cette génération s’y voit lui-même, les même angoisses et les mêmes bonheurs, les mêmes doutes et les mêmes désirs. C’est aussi dans cette partie que le film devient trop ambitieux. Si un petit passage consacré à la sérophobie suit logiquement la visite hospitalière, les longues conversations avec un vendeur de kebab syrien sont ostensiblement politiques et narrativement trop forcées. Mais l’idée est toujours valable et réaliste : les vendeurs de nourriture nocturnes sont nos meilleurs amis à la sortie de boîte et on discute d’une façon différente qu’en journée.

Vers la fin, l’ambiguïté des décors, de l’éclairage et des jeux des acteurs crée un effet inattendu sur le registre du film. Certains croyaient que Hugo allait tuer Théo, comme dans un film d’horreur. Ce n’est peut-être pas un effet voulu, mais quand on ramène les inconnus dans le secret, l’ambiance a parfois un goût de film noir, volontairement ou pas. Et comme dans la dernière séquence, quand le partenaire se montre un peu manipulateur, on est seul à juger s’il s’agit d’une passion d’un instant ou d’une relation malsaine. Heureusement, dans ce film décidément moderne, l’amour ne dure que vingt ans, une période imposée arbitrairement par Hugo et correspondant à la durée de la vie de couple de deux réalisateurs. Mais « Ça vaut le coup », disent-ils.

Théo et Hugo dans le même bateau : Bande-annonce

Théo et Hugo dans le même bateau : Fiche technique

Réalisation : Olivier Ducastel, Jacques Martineau
Scénario : Olivier Ducastel, Jacques Martineau
Interprétation : Geoffrey Couët (Théo), François Nambot (Hugo)
Image : Manuel Marmier
Montage : Pierre Deschamps
Son : Tristan Pontécaille
Musique : Karelle-Kuntur
Décors : Barnabé d’Hauteville
Production : Emmanuel Chaumet
Société de production : Ecce Films
Société de diffusion : Épicentre Films
Genre : Drame romantique
Durée : 97 min
Festivals : Berlinale, Écrans mixtes de Lyon
Dates de sortie : 27 avril 2016

France – 2016