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Retrospective David Fincher : Alien³, critique du film

Quel regret que David Fincher n’ait pas eu les coudées franches, car son talent aurait pu être bien mieux mis à profit s’il n’avait pas subit des conditions de production déplorables et avait pu pleinement disposer de ce scénario riche en puissance évocatrice.

Synopsis : Après le carnage sur LV-426, Ripley atterrit sur Fiorina 161, une petite planète balayée par des vents violents reconvertie en pénitencier puis abandonnée par la compagnie Weyland-Yutani. Comprenant que le crash de son vaisseau est lié à l’éclosion d’un xénomorphe, Ripley va mobiliser les quelques détenus pour combattre cette nouvelle menace, mais ceux-ci sont dépourvus d’armes.

Un projet difficile à mettre en place et qui continue à diviser

Rarement un film aura généré un tel désaccord vis-à-vis de ses suites que l’a fait Alien (1979, Ridley Scott). Bien qu’il soit adoré par beaucoup de fans, qui y voient un sommet du cinéma d’action, Aliens, le retour (1986, James Cameron) s’est vu reprocher par d’autres de bafouer la mythologie de la créature redoutable imaginé par H.R. Giger en en livrant une armada facilement pulvérisables mais finalement uniquement supérieurs aux humains par leur nombre. Il semble que ce soit pour se réconcilier avec ces spectateurs qui pensent que « trop d’aliens tue l’alien » que les scénaristes / producteurs de ces deux films aient lancé le chantier d’un troisième opus qui reprenne les codes du premier. La conception du scénario n’aura toutefois pas été de tout repos puisque ce n’est qu’après le rejet de trois autres versions qu’il fut finalement adopté. Allait alors se poser, pour les décideurs de la Fox, la délicate question du recrutement du réalisateur. Désireux de garder la mainmise sur la production, leur choix s’est porté sur un jeune homme, âgé de moins de trente ans et n’ayant pas de véritable expérience sur des longs-métrages puisque n’ayant jusque-là travaillé que sur des clips et des publicités. Le tournage débuta donc alors que le scénario n’avait même pas encore été bouclé sans compter qu’entre David Fincher et les producteurs, la collaboration aura été chaotique. Quand ces derniers ont décidé de retourner la fin, privant ainsi le réalisateur de son final cut, ils l’ont poussé à claquer la porte avant la fin du montage et même à renier le film. Fincher refusa en effet, lors de la sortie en 2004 d’une version longue (de 30 minutes supplémentaires… un surplus de dialogues inutiles diront ses détracteurs), de participer aux bonus du DVD.

Bien plus qu’un simple film d’horreur claustrophobique

Conçu comme un survival en huis-clos où un petit groupe d’humains est confronté à un monstre à priori invincible, il semble que la structure de cet Alien³ soit strictement la même que celle du film de Ridley Scott, à la différence notable qu’il en élimine la place centrale donnée à la technologie futuriste, ce qui le rend peut-être plus réaliste. Mieux que ça, il en reprend deux thématiques sous-jacentes que le film de James Cameron avait, pour sa part, quelque peu délaissé : La figure démoniaque donnée à la célèbre créature toute lovecraftienne et l’imagerie de la maternité inhérente à son modus operandi. C’est en donnant une place centrale à la religion dans le mode de vie, et donc dans les dialogues, des détenus, que la représentation diabolique du xénomorphe, qualifié notamment de « dragon », est prégnante. En cela, Alien³ s’apparente à un thriller métaphysique plus profond qu’il n’y parait.

Ripley en revanche, qui formait à la fin du second film un schéma de famille recomposée avec Hicks et Newt, est à nouveau seule et se retrouve à présent, d’abord victime d’une tentative de viol, puis « enceinte » d’un embryon d’alien. Commence alors pour elle un drame psychologique qui va la conduire à s’émanciper de son statut de victime et de « tentatrice » pour mieux se réaffirmer en femme forte. C’est dans cette allégorie de la place de la femme dans la société, et son choix ou non à disposer de son corps, que ce scénario se révèle donc le plus subtil. Mais il est surtout, pour le jeune David Fincher, l’occasion d’en faire émerger une profonde noirceur qui, dans un jusqu’au-boutisme qui est la marque d’un futur grand cinéaste, atteindra son apothéose dans sa conclusion, quand bien même celle-ci a déplu au studio jugeant, pour des raisons sûrement plus commerciales qu’idéologiques, inacceptable de faire de leur héroïne une figure christique prête à accepter de se sacrifier pour le salut des autres.

Des débuts plus que prometteurs

Sur la forme aussi, Alien³ apparaît comme la matrice de ce qui fera par la suite la patte plastique de son réalisateur : Une image sombre, uniquement illuminée par un filtre chromatique ocre/sépia qui appuie l’atmosphère sordide. Fincher, qui démontrera également son goût pour les microcosmes masculins, réussit à offrir à Sigourney Weaver une variation très passionnante de son rôle. Rasée à ras, l’actrice-star de la franchise livre une prestation remarquable qui la rend plus iconique que jamais. A ses côtés, parmi les détenus, on retiendra surtout la présence de Charles Dance qui, comme à son habitude, fait preuve d’un charisme et d’un flegme qui imposent le respect. Le reste du casting fut également bien choisi, composé de vraies « gueules » (dont l’excellent Pete Postlethwaite), qui participe à l’ambiance poissarde de ce pénitencier. Ce film a également été le premier à avoir l’occasion de représenter l’Alien via des images numériques. Comme souvent, ces effets spéciaux révolutionnaires à l’époque (comme le laisse à penser leur nomination à l’Oscar) sont vite devenus désuets, mais n’enlèvent en rien à l’angoisse que la mise en scène fait doucement monter crescendo, jouant, comme Ridley Scott 13 ans plus tôt, sur le hors champ. Des effets qui s’avéreront particulièrement efficaces dans une impressionnante scène de course-poursuite, filmée entièrement depuis le point de vue de la bête, au risque d’y perdre beaucoup en lisibilité. Mais là où le film initial donnait la part belle à de splendides décors au visuel organique, ici tout est métallique. Cette esthétique un peu trop léchée se fait ressentir jusque dans le développement presque automatique de ce thriller, dont la seconde moitié se retrouve assez pauvre en émotions, se limitant à un jeu de massacre dont les victimes sont trop peu attachantes pour vraiment nous faire vibrer.

Parce qu’il a été rattrapé par un scénario déshumanisé, David Fincher finit malheureusement par déposséder son premier film de l’extrême sensibilité qu’il avait pourtant réussi à en faire ressortir. Début de la fin d’une saga légendaire pour les uns, retour aux sources louables pour les autres, Alien³ mérite en tous cas d’être réhabilité par sa version longue qui en offre une vision bien plus proche de celle de son réalisateur.

Alien³: Bande-annonce (VO)

Alien³ : Fiche technique

Réalisation : David Fincher
Scénario : Walter Hill, David Giler et Larry Ferguson
Interprétation : Sigourney Weaver (Ellen Ripley), Charles Dance (Clemens),  Charles S. Dutton(Dillon), Pete Postlethwaite (David), Lance Henriksen (Bishop)…
Photographie : Alex Thomson
Montage : Terry Rawlings
Superviseur des effets visuels : Richard Edlund
Décors : Norman Reynolds
Costumes : David Perry et Bob Ringwood
Musique : Elliot Goldenthal
Producteurs : Gordon Carroll, David Giler, Walter Hill, Ezra Swerdlow
Sociétés de production : 20th Century Fox
Budget: 50 M $
Durée : 114 minutes en version cinéma / 144 minutes en version longue
Genre : Science-Fiction, Horreur
Date de sortie : 26 août 1992

Etats-Unis – 1992

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