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PIFFF 2015: Dofus, Southbound, L’enfant miroir, The 1000 eyes of Dr Maddin, Green Room et surtout le palmarès

22 novembre 2015: Cinquième jour du Paris International Fantastic Film Festival

11 heures : Grande première dans la programmation du PIFFF, cette dernière journée débute par une séance jeunesse. Mais, en choisissant Dofus – Livre 1 : Julith, les selectionneurs étaient bien conscients de ne pas toucher que les enfants puisqu’il s’agit de l’adaptation du célèbre jeu vidéo édité par la société française Ankama  déjà dérivé sous format de livres et d’une série télé. Mais contrairement  ceux-ci, le long-métrage fait preuve d’une maturité qui vise un public plus âgé que la plupart des films d’animation, au point même de se risquer par moment sur le terrain d’un humour qui pourrait heurter les plus jeunes. Le scénario de Dofus profite également d’un anti-manichéisme rare et d’un don pour passer du rire aux larmes qui en font une excellente surprise. La qualité de l’animation et le design des personnages et des décors sont, eux-aussi, remarquables. Jubilatoire pour les gamers et parfaitement accessibles pour les non-initiés, ce petit bijou d’animation sera, à sa sortie en février prochain, à ne surtout pas rater.

14 heures : Les producteurs de la trilogie V/H/S reviennent avec leur concept de film à sketchs horrifiques en transposant cette fois-ci l’action dans le Sud désertique des Etats-Unis, où semblent errer les âmes damnés. Southbound se veut également à la croisée du film choral puisque chaque personnage d’un segment est connecté à ceux du segment suivant. Cinq courts métrages cauchemardesques donc qui vont du road-trip sectaire au huis-clos chirurgical éprouvant en passant par un remake démoniaque d’Une Nuit en Enfer ou encore un home invasion déstabilisant. De la diversité mais surtout une vraie générosité de la part des cinéastes dans ce déchaînement de violence. Si les effets spéciaux numériques laissent à désirer, les maquillages et effusions de sang sont bluffants et arrivent sans mal à donner la nausée. Certains courts bénéficient d’un véritable travail en profondeur et placent des enjeux psychologiques intéressants, chaque segment ayant pour point commun le pêché et la rédemption, faisant suite à un événement passé que les personnages doivent rattraper. Comme tout film à sketchs, il y a de l’inégalité dans les segments présentés mais Southbound, présenté ici hors-compétition, se regarde sans déplaisir.   –Kevin List

16 heures 30 : En guise de quatrième et dernière Séance culte, c’est le premier film d’un réalisateur malheureusement peu connu du grand public qui nous est proposé. L’enfant miroir de Philip Ridley est un drame psychologique dans ce que ce terme peut avoir de plus concret. Dans de vastes décors champêtres que n’auraient pas reniés Terrence Mallick, le rapport que le jeune Seth a au monde qui l’entoure est régi par une multitudes d’expériences traumatisantes et le regard que le réalisateur nous en propose, à travers le prisme des souvenirs qu’il a de son enfance, est propice à une poésie et à une mélancolie des plus troublantes. Dans le rôle du grand frère auquel le jeune héros aimerait se confier, Viggo Mortensen trouvait là son premier rôle important. La violence de certaines scènes (le suicide du père ou l’enlèvement) contrebalance la grande délicatesse qui imprègne la mise en scène, tout comme le fatalisme très sombre qui se dégage de l’ambiance contrebalance la flamboyance de la photographie. Un film plein de mystères aux interprétations interminables qui méritait d’être remis au gout du jour.

19 heures : Déjà réalisateur de nombreux portraits de cinéastes venus des quatre coins du monde, Yves Montmayeur a gagné avec The 1000 eyes of Dr. Maddin le Prix du meilleur Documentaire à la dernière Mostra de Venise. Composé d’images filmés depuis plus de quinze du réalisateur canadien Guy Maddin, ce film nous plonge dans les travers de l’œuvre particulièrement hermétique de cet autodidacte atypique dont les réalisateurs font fi de la grammaire filmique classique et se rapprochent davantage de l’expérimentation picturale que du cinéma tel qu’on l’entend. En comprenant ses inspirations, qui vont de Meliès à John Waters en passant par expressionnisme allemand, on comprend mieux la logique artistique de ce metteur en scène atypique et on se laisse tenter par l’envie de (re)découvrir son travail.

21 heures 30: Enfin de retour dans la prestigieuse grande salle du Grand Salle du Grand Salle du Rex cinq jours après la cérémonie d’Ouverture, ce fut, pour nos deux hôtes animateurs/sectionneurs Cyril et Fausto, le temps de remerciements et des au-revoirs. Mais, passée cette procession, le moment tant attendu du palmarès allait enfin mettre fin à plusieurs jours de spéculations houleuses entre les festivaliers.

  •  Le partenaire historique du festival, Ciné + Frisson a remis leurs prix au Long-métrage Evolution et au court-métrage Juliet, assurant au premier une promotion lors de sa sortie en salles et au second une diffusion sur la chaine.
  • Le jury a sélectionné le court-métrage Phantasms of the Living… qui pourtant n’a de mémorable qu’une petite scène de masturbation féminine.
  • Les « Œil d’Or » décernés par le public ont été décernés, pour le court-métrage étranger, à l’hilarant Ours Noir, et pour le court-métrage français à Of Men and Mice. Le long-métrage qui a reçu les meilleurs votes est Don’t Grow Up de Thierry Poiraud, une allégorie habile et assez subtile de l’entre-deux-âges adolescent via un survival horrifique à la photographie irréprochable.

Alors que le genre est particulièrement décrié en France et que la production y est particulièrement difficile, on peut être fiers que les deux longs-métrage vainqueurs soient deux réalisations françaises, qui partagent d’ailleurs le même producteur, Philippe Vidal, qui peut se considérer comme le grand vainqueur de cette semaine.

Pour finir en beauté, la diffusion du film Green Room (qui fut présenté à Cannes dans la Quinzaine des réalisateurs) allait nous laisser sur la découverte d’un long-métrage à la radicalité impressionnante. Après le magnifique Blue Ruin,  Jeremy Saulnier poursuit sa peinture acerbe et cruelle de l’Amérique en imaginant comment la rencontre entre deux idéologies opposées de la culture rock, des punks et des skinheads, peut aboutir à un jeu de massacre terriblement violent. Si le scénario ne répond nullement à la caution fantastique propre au Festival, ce survival en huis clos profite d’une mise en scène si oppressante et d’une photographie si claustrophobique qu’elles en font un film d’horreur parfaitement maitrisé. Rarement vu dans des rôles de méchants, Patrick Stewart est véritablement terrifiant dans la peau d’un impitoyable leader néo-nazi. Quand la dimension politique, l’action et l’épouvante font si bon ménage, on peut allégrement parler d’une pure réussite.

Pour finir, un petit bilan de cette cinquième édition du PIFFF. D’abord, le fait d’avoir pris place au Grand Rex a eu pour avantages de donner lieu aux cérémonies d’ouverture et de clôture dans une salle véritablement luxueuse, et de donner un accès gratuit aux détenteurs de la carte Illimité UGC. Coté inconvénient, ce cinéma a tout de même donné assez peu d’espace de travail aux bénévoles du Festival et à sa boutique, obligeant même les attachées de presse à se délocaliser dans le bar voisin, provoquant quelques petits problèmes de logistique les premiers jours. Force est de reconnaitre (selon les chiffres des organisateurs) que cette édition a eu une affluence de public plus importante que les années précédentes, preuve que le Festival prend de l’ampleur. La sélection était à la fois éclectique puisqu’aucun film ne ressemblant aux autres, même si une tendance –que les sélectionneurs nous ont dit être une coïncidence- s’est dégager autour de la thématique de la jeunesse. Autre constat de la sélection : La grande majorité des films était des premières réalisations (six sur les huit longs-métrages, les deux autres étant d’ailleurs ceux qui ont gagné un prix), affirmant le PIFFF comme un important découvreur de talents. Vivement l’an prochain !

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