L’Ascension, un film de Ludovic Bernard : Critique

Grand vainqueur du dernier festival de l’Alpe d’Huez, L’Ascension est le feel-good movie par excellence, qui, s’il ne révolutionne aucunement le genre, a le mérite de ne pas sombrer dans l’étalage trop mièvre des bons sentiments et la caricature dans la peinture de ce pari fou et la description des banlieues.

Synopsis : « Pour toi, je pourrais gravir l’Everest !» Samy aurait mieux fait de se taire ce jour-là… d’autant que Nadia ne croit pas beaucoup à ses belles paroles. Et pourtant… par amour pour elle, Samy quitte sa cité HLM et part gravir les mythiques 8848 mètres qui font de l’Everest le Toit du monde. Un départ qui fait vibrer ses copains, puis tout le 9-3 et c’est bientôt la France entière qui suit avec émotion les exploits de ce jeune mec ordinaire mais amoureux. 

La montagne, ça vous gagne! 

 

L’année dernière, La Vache, raflant pas moins de trois prix au festival de l’Alpe d’Huez, fut une vraie bonne surprise. Ce road movie où un paysan algérien traverse la France entière pour présenter sa vache au salon de l’agriculture, avait su charmer le public par sa tendresse et sa sincérité. Grâce à un bouche à oreille des plus chaleureux, le film a écopé d’un joli succès au box-office, avec plus d’un million de spectateurs pour une distribution somme toute assez modeste. Force est de reconnaître qu’il adviendra possiblement de la même chose pour L’Ascension.

Le film part de ce postulat dingue où un jeune banlieusard, amoureux transi de son amie d’enfance, se lance le défi de gravir l’Everest rien que pour ses beaux yeux. Comme nous le rappelle le générique de début, il s’agit bien de la retranscription d’une histoire vraie. En l’occurrence, celle de Nadir Dendoune, banlieusard de La Courneuve, qui a raconté cet exploit dans son livre Un tocard sur le toit du monde. L’Ascension en est donc l’adaptation directe, et a par conséquent le mérite de faire adhérer directement le spectateur à la décision prise par le personnage principal. Car d’une invraisemblance incroyable de prime abord (pourquoi tenter cette expérience alors qu’il n’est absolument pas préparé?), renforcé par une incompréhension totale de ses proches et alentours (pourquoi partir sur un tel coup de tête ?), on voit que ce n’est pas seulement le sentiment amoureux qui le motive mais bien un besoin d’accomplissement : prouver qu’il peut, pour une fois dans sa vie, réussir quelque chose. Il devient ainsi un véritable symbole pour tous ses proches mais aussi de toute une banlieue qui le soutient et suit ses aventures à travers les médias, en commençant par une simple radio locale pour terminer sur les principales chaines de télévision. Ce message porteur d’espoir ne brille pas par son originalité et est plutôt commun à bon nombre de feel-good movie (Eddie the Eagle en tête, et dans une moindre mesure, Good Luck Algeria). Mais ce regard sur la banlieue en tant que véritable cohésion et non plus en monde exclu et disparate, conjugué à la personnalité du héros, est suffisamment neuf et original pour esquisser facilement un sourire bienveillant à n’importe quel spectateur.

D’autant plus que la direction artistique est aux petits oignons. Si l’ensemble du casting se montre convaincant, malgré les stéréotypes bien communs au genre (les amis du héros pas très malins, le guide plutôt bourru qui se révèlera porteur de bien des failles, la naïveté du boy népalais), c’est surtout Ahmed Sylla que l’on retiendra de ce long métrage. Adepte du one-man show et révélé par l’émission de Laurent Ruquier On n’demande qu’à en rire, il porte littéralement le film sur ses épaules et se débrouille plutôt bien, tant dans les instants légers que dans les scènes les plus émotionnellement fortes. Ces dernières qui, selon ses dires, étaient les plus difficiles à tourner, relèvent même d’une certaine efficacité, surtout pendant la partie aventure, où les émotions les plus primitives (la soif, l’épuisement, le début de folie, le manque d’oxygène…) se font ressentir. Elles sont également soulignées par une réalisation impeccable, à la fois par l’impact des images (magnifiques décor naturels et travellings aériens sublimant les montagnes) que par une bande originale assez prenante, surtout durant la montée finale. Pourtant, là où le film pêche davantage reste au niveau du ton comique. Cette dernière est à l’image des montagnes russes, alternant moments réussis, et vannes usées jusqu’à la corde qui n’atteignent pas leur cible. Ce balancier est d’autant plus dommageable que la partie dramatique et plus émotive est réussie … ce qui n’est pas forcément le but premier d’une comédie.

Si l’on met de côté ce dernier aspect, ainsi qu’une conclusion un tantinet rapide, L’Ascension est réellement un film réussi. S’il ne restera pas dans les annales de la comédie française, il procure une bouffée d’oxygène plutôt agréable dans un domaine plutôt malmené ces derniers temps. Et un peu de chaleur humaine durant cette période de grand froid ne peut faire que du bien, non ?

L’Ascension : Bande-annonce

L’Ascension : Fiche Technique

Réalisateur : Ludovic Bernard
Scénario : Ludovic Bernard, Olivier Ducray, Nadir Dendoune
Interprétation : Ahmed Sylla, Alice Belaïdi, Kevin Razy, Nicolas Wanczycki, Waly Dia, Denis Mpunga, Fadila Belkebla…
Photographie : Yannick Ressigeac
Montage : Romain Rioult
Musique : Lucien Papalu, Laurent Sauvagnac
Direction artistique : Sébastien Ibizan
Producteurs : Laurence Lascary
Sociétés de production : De l’autre côté du périph’
Distribution (France) : Mars Films
Durée : 103 minutes
Genre : Comédie
Date de sortie : 25 janvier 2017

Récompenses : Grand Prix du Jury et Prix du public (Festival de l’Alpe d’Huez 2017)

France – 2017