Difficile pour Krysten Ritter de se glisser dans la peau de Jessica Jones

Jessica Jones, une série de Melissa Rosenberg : Critique du pilote

Qui dit Comic Con entend nécessairement exclusivités, AVP et contacts directs avec les acteurs et les studios. Ne nous attendons pas lors la première édition parisienne à autant de contenus, mais les surprises étaient au rendez-vous. Concernant cette première journée, Marvel et Netflix ont autorisé aux festivaliers la diffusion du pilote de la série tant attendue menée par Krysten Ritter (Veronica Mars, Breaking Bad, Don’t trust the b—- in apartment 23). Son nom est sur toutes les lèvres comme si celui de Charlie Cox était déjà loin. Ces deux héros se valent-ils ? Si la rédaction était divisée concernant Daredevil, (mon choix est directement positif), elle risque de ne pas trouver un terrain d’entente sur cette nouvelle création (et je me glisserai cette fois dans l’autre camp) créée et produite par Melissa Rosenberg qui a notamment officié sur Dexter, mais aussi Liz Friedman (Elementary) et Jeph Loeb (Agents of S.H.I.E.L.D). Il n’est guère prudent de s’avancer sur les 54 premières minutes réalisé par S. J. Clarkson (CasualtyHeroesHouseDexterUgly Betty), mais c’est tout ce que nous avons sous la main à l’heure actuelle. Si vous considérez que la présence de David Tennant, n’étant que suggérée par de courts profils sombres, est un spoiler, ne lisez pas la suite.

Résumons ce que l’on attend de Jessica Jones : une héroïne bad-ass, des thématiques gender, de l’action à la Marvel non sans une bonne dose d’humour à la Netflix (autant se l’avouer depuis Orange Is The New Black et American Hot Summer Camp, voire Grace & Frankie,  Unbreakable Kimmy Schmidt et Master of None, ils attachent une importance aux zygomatiques). Le tout tenu par deux duos et un solo (si on compte ça fait … attendez je sors ma calculatrice, 5 ?) d’acteurs semblants de haute volée : aux côtés de KR aka JJ, Mike Colter dans la peau de Luke Cage en tenancier de bar ambigu et « womanizer » à ses heures perdues, Rachael Taylor qui incarnera Trish Walker ou encore Carrie-Ann Moss dans la peau de l’avocate féline Jeryn Hogarth. Concernant le solo, le cultissime-et-à-juste-titre David Tennant pour le Dr. Zebediah Killgrave. J’ai volontairement employé le terme « semblant », car dès à présent, qu’on le veuille ou non, la série pâtit d’un déséquilibre au casting relativement flagrant. La coupe à la garçonne est plus féminine que jamais depuis Robin Wright dans House of Cards et Carrie-Ann Moss, aux allures similaires incarne sans aucun défaut une riche avocate lesbienne. L’arc narratif la concernant n’est développé que sur quelques courtes minutes malheureusement, il nous faut donc nous réconforter sur le personnage principale et ses maux personnels. Mais Krysten Ritter n’arrive que péniblement à nous produire une héroïne entre dénie et résolution, oiseau de nuit alcoolique. Le côté bad-ass reste très en-dessous d’une plate contrefaçon de Buffy. Il est difficile de croire à la force exceptionnelle de Jessica Jones, superhéroïne à la retraite alcoolisée, puisque trop de fraîcheur se dégage de ce teint de porcelaine et ces larmes de cristal simulées? Ce n’est pas en lui rajoutant un verre vide de whisky et une bouteille sur sa table de chevet que l’on acceptera le simulacre. Au contraire, il n’en est que plus visible.

Rappelez-vous du générique épuré et efficace de Daredevil, sang peinture électrique qui dégouline, laissant apparaître des monuments sur fond musical de piano et violon retouché à l’ordinateur pour une facture à la fois sombre et entêtante. Ce qu’on attend réellement d’un univers Comics en sommes… Le générique de Jessica Jones est travaillé graphiquement façon Comics aux traits de crayon secs avec impression de mouvement, mais la musique est guère singulière. Pourtant l’oeuvre de Sean Callery devrait être mémorable. On lui doit 24 heures chrono, Medium, Homeland… Mais il est va de même pour tout l’épisode. Les éclairages nocturnes de rue sont empruntés à Daredevil ainsi que la mise en scène, peu innovante. On suit d’un oeil moribond Krysten Ritter (oui j’ai du mal à lui apposer le nom de son personnage) qui soulève une voiture ou saute sur plus de 10 mètres, mais l’effet n’est jamais renforcé par le montage, qui se contente du minimum. Les super-pouvoirs sont peu visibles et peu nombreux, on se demandent même si l’alcool n’a pas affaibli ses capacités. Et puis, l’intérêt principal est vite annihilé par un effet de surprise vain, faute à des clichés scénaristiques qui sont répétés à l’infini. Ce fameux Dr. Killgrave a le don de contrôler l’esprit de ses jeunes victimes féminines et Jessica en fai(sai)t partie. Lorsque l’on apprend qu’il est censé être mort depuis un an et de voir toujours, les crises de Jessica (sur fond mauve néon, super idée au passage, couleur qui pourrait être une référence assez évidente au méchant de la série, à savoir Dr. Killgrave, aussi connu sous le nom de Purple Man, capable de plier quasiment n’importe qui à sa volonté*) répétée à la manière d’un automate, le spectateur rigole jaune. L’artifice est bien trop évident. Serait-ce par simple hommage au format du bande-dessinées que le fil se déroule quasi de manière linéaire ? Ce que l’on peut apprécier dans Daredevil, on le retrouve avec l’amère impression d’avoir été copié collé ou prémâché, la puissance d’une super héroïne en moins avec un passé qui semble presque anodin.

L’attente sera donc du côté des autres personnages, puisque ni la musique, ni l’humour surtout – car dans ce pilote, il n’y en a aucun – ni les intrigues ou la surprise n’est efficace. A trop battre les blancs, ils retombent. Ici, il restait un peu de jaune avant le mélange ou alors on ne les a pas battu assez. Non aucune allusion ethnique ou enfantine n’est à prendre en considération dans cette métaphore culinaire de bas étage. J’ai personnellement eu l’impression d’avoir assisté à un cocktail étrange entre les pires décoctions des remakes de Supernatural, GothamBuffy et Mr. Robot. C’est donc prudemment que nous baissons le pouce et tirons la moue pour un univers trop peu personnel, original et singulier qui se replie dans un conformisme pathétique plutôt que de miser l’audace sombre. Après Quantico, nous avons de nouveau affaire à une héroïne mal castée pour des attentes un peu trop élevées. Ce qui ne nous empêche pas d’attendre avec impatience la suite pour voir si nos craintes étaient justifiées ou isolées.

* Il a dans les comics Marvel fait subir huit mois d’asservissement à Jessica Jones

Trailer Marvel’s Jessica Jones

Fiche Technique : Jessica Jones

USA – 2015
Création : Melissa Rosenberg
Acteurs principaux : Krysten Ritter (Jessica Jones), Mike Colter (Luke Cage), Rachael Taylor (Trish Walker), Carrie-Ann Moss (Jeryn Hogarth), David Tennant (Dr. Killgrave), Eka Darville (Malcolm), Erin Moriarty (Hope)
Réalisé par S. J. Clarkson (pour les autres épisodes : S.J. Clarkson, David Petrarca, Stephen Surjik, Uta Briesewitz, Bill Gierhart, Rosemary Rodriguez)
Ecrit par Melissa Rosenberg (pour les autres épisodes : Brian Bendis, Michael Gaydos, Melissa Rosenberg, Jamie King, Micah Schraft)
Image : Manuel Billeter
Décors : Loren Weeks
Costumes : Alexandra Caulfield et Nadine Davern
Montage : Jonathan Chibnall, Tirsa Hackshaw, Michael N. Knue
Musique : Sean Callery
Genres : Super-héros, drame, judiciaire
13 épisodes de 60 minutes
Producteurs : Dana Baratta, Kevin Feige, Liz Friedman, Tim Iacofano, Stan Lee, Jeph Loeb, Joe Quesada, Melissa Rosenberg, S.J. Clarkson
Distributeur : Netflix