Gremlins-Joe-Dante-FEFFS-2015

Festival Fantastique de Strasbourg 2015 : Quels sont les films que la rédaction a déjà vu ?

Alors que lemagducine.fr arrivera dès mardi pour la deuxième année consécutive dans cette belle capitale alsacienne qu’est la ville de Strasbourg à l’occasion de la huitième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, il semblait nécessaire de faire un point sur les films déjà vus par la rédaction. On connait la programmation depuis un mois maintenant et certains longs métrages sélectionnés ont déjà bénéficié d’une projection antérieure,que ce soit à Cannes, à Neuchâtel, à Deauville ou à l’Étrange Festival. C’est l’occasion pour nous de revenir sur ces films et de donner quelques pistes aux spectateurs sur ce qu’il faut aller voir voir à Strasbourg.

[EN COMPETITION] The Lobster

Réalisé par Yorgos Lanthimos (2015). Sortie en salles le 28 octobre 2015. 

Kévin List : Jamais nous n’avons autant entendu parler de la Grèce que cette année. Dans un pays en pleine crise économique et politique, il existe pourtant un exemple de réussite national. Un réalisateur grec audacieux au doux nom suave de Yorgos Lanthimos, tout-juste acclamé à Cannes, recevant par la même occasion l’honorable Prix du Jury pour The Lobster. A nouveau crédité à l’écriture du scénario avec son compère Efthimis Filippou, Yorgos Lanthimos nous livre une représentation originale des contradictions et absurdités de notre société et une oeuvre dans la droite lignée de ses précédents films. Avec The Lobster, le cinéaste grec pousse l’originalité de son sujet jusqu’au-boutisme tout en faisant preuve de maîtrise, suscitant le rire et l’émotion dans un monde où l’amour, le véritable, n’est plus qu’une rare denrée permise à ceux qui s’opposent à tous les diktats. Aussi mélancolique qu’effrayant, The Lobster est un film où l’on rit. On rit même énormément, mais sans pour autant s’éloigner de cet étrange sentiment de malaise qui parcourt le long métrage. C’est à ça qu’on reconnaît la marque des grands films, de ceux qui bouleversent, bousculent et laissent une impression impérissable. Par son absurdité et son réalisme exacerbé, The Lobster en fait partie.

Note de la rédaction : ★★★★★

[EN COMPETITION] Emelie

Réalisé par Michael Thelin (2015). Date de sortie prochainement annoncée.
Grégoire Lemaitre : Emelie nous plonge dans une soirée qui tourne au désastre suite à l’engagement un peu hasardeux d’une babysitteuse. Le réalisateur a expliqué en conférence que son objectif premier était de nous faire très peur. Objectif atteint partiellement. Il s’inspire d’une histoire d’enfance à laquelle il a combiné plusieurs faits divers. Il en naîtra une intrigue diabolique qui effraiera quiconque laisse ses enfants dans les mains d’une inconnue. Mise à part une tension réelle, et quelques sursauts, ce premier film se cantonne dans son genre, et n’apporte pas grand chose de nouveau. A noter que le film aurait pu tomber dans une comédie très cynique, très noire, mais le cinéaste reste dans les rails du thriller. Un résultat honnête, mais pas dans la course au titre.

Note de la rédaction : ★★★☆☆

[SECTION CROSSOVERS] The Guest

Réalisé par Adam Wingard (2014). Date de sortie prochainement annoncée. 

Laurent Wu :  Le film est une série B, dénuée de psychologie, ne laissant place à aucun suspense. Pire encore, elle est plus proche d’un téléfilm, que d’un film, du moins dans sa première partie, avant que le rythme ne s’accélère et que la violence explose. Le schéma est le même que pour Drive : le calme, avant la tempête. Dan Stevens souffre d’un manque de charisme, et d’une absence d’émotions, faisant de lui une sorte de Robert Patrick, version T-1000 dans Terminator 2. Certes, c’est le rôle qui veut cela, mais on frôle en permanence le ridicule, avec cette fâcheuse tendance pour le réalisateur Adam Wingard, de rater ses scènes d’action, aux effets dignes des productions des années 80. Il se révèle être l’héritier d’Albert Pyun, réalisateur des navrants, pour ne pas dire navets : Campus, Cyborg, Kickboxer 2 & 4, une sacrée référence. Personnages caricaturaux, absences d’intrigue et de profondeur, The Guest est un film qui plaira aux amateurs de Drive, retrouvant sa musique électro-pop, son esthétique, avec de magnifiques plans, n’empêchant pas l’ensemble, d’être ennuyeux et basique. Pour les autres, il s’agira d’un plaisir coupable, où les neurones peuvent se reposer tranquillement, en s’éclatant face à la violence de certaines scènes. Puis pour certains, un film quelconque, qui laisse de marbre et s’oublie aussitôt, malgré quelques scènes réussies, de par leurs violences brutes.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆ 

[SECTION CROSSOVERS] Cop Car

Réalisé par Jon Watts (2015). Date de sortie prochainement annoncée. 
Grégoire Lemaître : Kevin Bacon est un shérif véreux, dépossédé de sa voiture par deux gamins après laquelle il court. Une projection étrange car rythmée trop souvent par les rires, alors que le film n’a a priori pas vocation à faire rire. Mais il y a de la farce et du furious dans ce film, alors parfois le burlesque prend le dessus sur le thriller et cela nuit au rythme mis en place, par ailleurs très intéressant. Car avec un Kevin Bacon d’une sauvagerie inouïe dans son costume terreux traquant deux enfants délicieusement dépassés par la situation qu’ils ont créée, le film agit en étau qui se resserre autour des gamins et du spectateur. L’intrigue s’alourdit au fur et à mesure que l’on découvre ce que l’on est en droit d’attendre d’une voiture de flic magouilleur, et s’assombrit alors que l’humour reste assez inexplicablement présent. Jon Watts, en maîtrise, signe un film court mais très intense.

Note de la rédaction : ★★★☆☆ .

.[RÉTROSPECTIVE JOE DANTE] Gremlins

Réalisé par Joe Dante (1984). Sortie en salles le 05 décembre 1984. 

Hervé Aubert : Tout le monde se souvient du Mogwaï, craquante petite peluche inoffensive qui, sous certaines conditions, donne naissance à des petits monstres destructeurs. Et c’est bien là ce qui intéresse Joe Dante : la destruction. Le cinéaste se plaît à mettre en place tout un décor, cette banlieue américaine typique que l’on a vue dans tant de films et de séries (ce lieu qui, d’ailleurs, sert de décor à plusieurs films du réalisateur), pour la ravager littéralement. Les Gremlins, personnages principaux de ce « film d’horreur pour enfants », sont les véritables héros du film, tant chacune de leur apparition est un régal d’humour et de défoulement. Et parmi leurs victimes, il y a toutes les coutumes habituelles du Noël américain, dont les symboles sont ravagés successivement : Gremlins dans le sapin, Gremlins parodiant des chorales de Noël, et Gremlins massacrant un magasin de jouets. Une fois de plus, Joe Dante, sous des aspects de divertissement innocent, livre une œuvre politique subversive et joyeuse, parsemée de références cinématographiques à Frank Capra ou Disney.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE JOE DANTE] Gremlins 2 : La Nouvelle Génération 

Réalisé par Joe Dante (1990). Sortie en salles le 22 août 1990. 

Kévin List : Joe Dante aura mis plus de six ans pour retrouver ses petites créatures aussi craquantes qu’effrayantes. Après avoir massacré l’image de noël, il massacre ici plus que jamais l’image de l’industrie du divertissement. Il est tellement jubilatoire de voir ces créatures parodiaient ce milieu à travers une succession de scénettes sans queue ni tête. Ca pourrait être du n’importe quoi complètement assumé qui vire à la grosse farce. Mais bon sang, qu’est-ce-que c’est jubilatoire ! Joe Dante n’hésite pas à maltraiter ses petits bébés tant appréciés du public, les métamorphosant en araignée, chauve-souris voire même en courant électrique ou pire en présentateur télévisé. Sa cinéphilie se ressent à travers chaque séquence et c’est cette passion qui rend le film si attachant. Joe Dante aime le cinéma et ça se ressent. C’est trop rare de ressentir cela pour ne pas la souligner. Si Gremlins 2 s’avère cependant brouillon, sans fil narratif, ni véritable mise en scène, tout le film repose sur le seul plaisir de voir ce défilé de gags excentriques et décadents dont le propos se veut entièrement corrosif sur le milieu de l’audiovisuel. Comme si Joe Dante et son impertinence avaient des choses à régler. C’est tellement grandiloquent, perché et improbable qu’on se demande comment Joe Dante a pu valider un tel scénario. Et puis, ne serait-ce que pour la performance du regretté Christopher Lee ou l’intervention d’Hulk Hogan (!), ce Gremlins 2 vaut assurément le coup d’œil.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE JOE DANTE] Hurlements

Réalisé par Joe Dante (1980). Sortie en salles le 21 janvier 1981. 

Kévin List : Peut-être qu’en 1981, Hurlements sonnait comment une petite révolution dans le genre du cinéma horrifique, de par ses maquillages brillants pour l’époque et le ton acide et référencé de Joe Dante, véritable superstar du genre en devenir. Toujours est-il que trente ans plus tard, le film a cruellement vieilli et toutes les lacunes scénaristiques se révèlent, nous laissant ébahi devant tant de bêtises. Ici, le Mythe du Loup-Garou n’est ni bien exploité, ni renouvelé, ni même travaillé. L’intrigue principale n’est qu’un prétexte pour envoyer les personnages s’isoler dans une communauté forestière éloignée de tout, comme une bonne vieille série B standarde. Les dialogues sont affligeants, le montage est haché, la musique affreuse ne colle jamais à l’action et le rythme lent et étiré n’invite aucune passion. Pire, les acteurs sont catastrophiques et aucune empathie ne survient à la mort des personnages principaux de l’intrigue. Pour certains, on est d’ailleurs à la limite de la misogynie. L’histoire est tellement peu intéressante qu’aucun sentiment de surprise ne surgit dès lors que les rebondissement s’enchaînent. Seul persiste le frisson de se rapprocher (enfin) du générique de fin du film. D’ailleurs, un générique de fin qui défile sur un steak en train d’être cuit. C’est dire l’humour de son géniteur. Et dire que la même année est sorti Le Loup-Garou de Londres de John Landis… Dès Hurlements II, les spectateurs s’apercevront du caractère nanardesque de la franchise, qui se verra promener la réputation de plus mauvaise saga du cinéma d’horreur. C’est dire à quel point la saga est grotesque dès les prémices du premier film.

Note de la rédaction : ★☆☆☆☆ 

[RÉTROSPECTIVE JOE DANTE] Panic sur Florida Beach

Réalisé par Joe Dante (1983). Sortie en salles le 28 juillet 1993. 

Julien Breton* : Il aura fallu neuf films à Joe Dante pour obtenir enfin le Saint-Graal, à savoir le total contrôle artistique de son projet. Panic sur Florida Beach est un film hommage à la série B des années 50-60 avec un bon John Goodman dans le rôle d’un producteur à la sauce William Castle. Il est vrai que les acteurs du film passent quasiment tous au second plan hormis celui-ci et manquent de saveur. Panic est un hommage personnel et tout y passe : des monstres à la Jack Arnold (L’Etrange Créature du lac noir, Tarantula…) en passant par une production à la Roger Corman. Dante ira même placer son film durant la guerre froide rendant son projet à la fois nerveux et nostalgique. Un autre point important à relever est le lieu d’action : le cinéma. Comme une critique sociale de la disparition du cinéma comme lieu d’événement et de rassemblement de la population, Joe Dante s’amuse avec le rôle de Goodman-Castle pour renforcer cette idée. Castle fût réputé pour un cinéma-gadget comme des lunettes spéciales (13 Ghost en 1960) ou encore des sièges vibrant… Un réel décalage se dévoile entre le contexte de l’époque et le contexte dans lequel le cinéma est inscrit. Panic sur Florida Beach est un bon, riche et charmant divertissement dont les clins d’oeils ne manqueront pas de plaire aux fans du genre et de l’époque.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE JOE DANTE] Small Soldiers

Réalisé par Joe Dante (1998). Sortie en salles le 21 octobre 1998. 

Julien Dugois : Joe Dante a décidé de revenir en 1998 avec une recette qui avait fait le sel de son plus gros succès, Gremlins, soit des créatures à priori inoffensives qui se transforment en menace pour une petite bourgade pavillonnaire.  […] Joe Dante signe une nouvelle fois un film visant un public familial. Mais au delà de ça, sa façon de représenter le rapport entre le marchandising destiné à la jeunesse et la propagande militariste à travers ces jouets […] lui permet d’illustrer la façon qu’a le consortium militaro-industriel d’utiliser le sevrage infantilisant pour mener les américains vers une autodestruction annoncée […] Dante pointe directement du doigt la représentation au cinéma des prétendus « ennemis de l’Amérique » ainsi que du génocide amérindiens. La surconsommation compulsive, la mentalité phallocrate, l’omniprésence de la publicité et de la culture pop apparaissent comme autant des pilier d’une american way of life corrompue, que le cynisme de Dante n’hésite pas à égratigner à travers des gags souvent mordants, tel que les poupées Barbie assimilées à des objets sexuels au service des militaires. La réplique qui associe la musique des Spice girls à une « arme psychologique » est d’ailleurs d’autant plus grinçante qu’elle rejoint, près de 20 ans plus tard, la récente actualité coréenne. […] Small Soldiers, derrière ses allures de farce enfantine, a été pour Joe Dante l’occasion d’exprimer sa verve politique et son regard acerbe sur la société de consommation, l’entertainment hollywoodien et la culture WASP. Un film d’auteur autant qu’un divertissement ultra-référencé, donc, qui a encore de quoi réjouir petits et grands.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] La Malédiction

Réalisé par Richard Donner (1976). Sortie en salles  le 17 novembre 1976. 

Julien Breton* : La Malédiction de Richard Donner ne transcende pas le genre mais garde suffisamment de maîtrise pour passer un bon moment. Le gros point faible : le rythme. C’est justement la raison pour laquelle l’atmosphère tombe parfois à plat et compensée par les somptueuses musiques de Jerry Goldsmith (un Oscar pour ce film). Les protagonistes sont justes dont la seule présence de Gregory Peck met tout le monde d’accord. La route des parents du petit diablotin de Damien est dure et vertigineuse mais s’essouffle par un chemin scénaristique pas toujours clair et tournant au ralentit. Toutefois, La Malédiction marque les esprits par sa mise en scène choc (l’arrivée à l’église de Damien) et maîtrisée des meurtres : la chute à travers la rambarde, la décapitation. La séquence la plus marquante reste celle dans le cimetière avec les chiens. Sortie tout droit de l’esprit des Universals Monster, Richard Donner prend plaisir le temps d’une scène à retranscrire l’ambiance du film Le Loup-Garou de George Waggner (1941). Maîtrisé, Richard Donner met un point d’honneur à faire de son film, un passage évident pour les amateurs du genre.

Note de la rédaction : ★★★☆☆ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] La Nuit du Chasseur

Réalisé par Charles Laughton (1976). Sortie en salles  le 17 novembre 1976. 
Antoine Mournes : The Night of the Hunter, premier et unique long métrage du monstre sacré anglais Charles Laughton, car boudé par la critique et le public, est adapté du roman de Davis Grubb publié en 1953 qui s’inspire de Harry Powers, un tueur en série qui a sévi dans la ville où vivait l’auteur. En 1992, le film est sélectionné par le National Film Registry pour être conservé à la Bibliothèque du Congrès aux États-Unis. Ce qui témoigne de son statut d’œuvre mythique. Rapide explication : inspiré de l’expressionnisme allemand, entre lumière et obscurité, le réalisateur dépeint l’avidité et l’enfance comme personne. Entre western en studio et film noir, avec un Robert Mitchum inoubliable et une Lilian Gisch sombrement rayonnante, La Nuit du Chasseur pourrait être un Disney horrifique sur « comment se méfier des apparences lorsque l’on est enfant ». Le portrait de l’âge tendre est à double tranchant, naïf et téméraire tandis que le ménage familial est mis à mal pour une simple question d’argent. Le psychologique se transforme vite en puissant symbolisme couplé d’une photographie à faire pâlir Orson Welles ou Fritz Lang. A voir et revoir, peu importe l’âge.

Note de la rédaction : ★★★★★ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] Le Village des Damnés

Réalisé par Wolf Rilla (1960). Sortie en salles le 08 février 1961. 

Julien Breton* : Le Village des Damnés de Wolf Rilla donne matière à une nouvelle perspective dans le cinéma fantastique et une esthétique propre mais sans effet notable. Inspiré du roman de John Wyndham, Les Coucous de Midwich, le thème allie avec panache une invasion venue de l’intérieure de la Terre et un groupe d’enfants. Wolf Rilla a décidé de tout miser sur cette bande. A noter la performance terrifiante de Martin Stephens que l’on retrouvera un an après dans Les Innocents de Jack Clayton. C’est un véritable retournement de position dans un film où l’adulte était celui mis en valeur. Un choix payant puisque la peur, qui en adviendra au fur et à mesure des minutes, se développera autour de ces jeunes frimousses. Au programme : yeux lumineux, morts « accidentelles », télépathie, viol collectif et la grossesse en dehors du mariage (toutes les femmes du village tombent enceintes), une mise en perspective avec la menace de l’URSS et une OST trop peu présente et simpliste. Le Village des Damnés aura le droit à un remake de John Carpenter (1995) en-deçà de l’originale certes, mais avec de nouvelles modifications et la dernière prestation de Christopher Reeves avant son accident. Recommandé pour les curieux.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] Les Innocents

Réalisé par Jack Clayton (1961). Sortie en salles le 16 mai 1962. 

Julien Breton* : Les Innocents de Jack Clayton met en scène Miss Giddens (Déborah Kerr), une nouvelle gouvernante chargée de garder deux enfants dans un château. C’est alors qu’elle va découvrir de sombres secrets entre le personnel précédant et les deux bambins. Ces révélations et même ces apparitions précipiteront sa chute dans une folie… raisonnée ? Jack Clayton propose une œuvre imposante et sensible, aussi bien dans l’esthétique que dans la mise en scène. On y voit clairement un plus grand intérêt pour ces derniers que pour le scénario qui constituera une base de travail sobre mais attractif pour le fantastique. Une ambiance froide, douce et intense (la berceuse, jeu sur les sonorités avant les apparitions), un noir et blanc pointilleux (gothique à la limite de l’expressionnisme) et des acteurs impeccables (à noter la prestation de Martin Stephens vu dans Le Village des damnés, 1960) nous accompagnent tout au long du film. Désarmé de toutes idées de réel et d’imaginaire, Les Innocents perturbe le spectateur de sa berceuse d’introduction à son final intense et renversant. Un film d’épouvante psychologique parmi les plus grands.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] Les Révoltés de l’An 2000

Réalisé par Narciso Ibáñez Serrador (1976). Sortie en salles le 02 février 1977.

Kévin List : Dans le sous-genre des enfants maléfiques, Les Révoltés de l’an 2000 est clairement un must du genre. Sorti après Le Village des Damnés, le réalisateur N. I. Serrador prend à contre-pied l’image angélique et pure de l’enfant. Sauf qu’il étaye ici un vrai propos politique, éthique et moral sur le Mal fait aux enfants. L’Homme est responsable des  pires monstruosités faites aux enfants, une séquence nous rappelant à quel point la guerre a brisé cette génération le siècle dernier. C’est le point de départ d’une forme de vengeance, d’une prise de conscience du mal et d’une envie incontrôlable de les punir pour cela. Si Come out and Play, le remake de Makinov en 2013 se dirigeait plus vers une explication fantastique, rien n’indique ici que les enfants sont atteints d’un mal venu d’ailleurs, au contraire ils prennent conscience en groupe de ce qui leur a été fait et les images d’archives du film apportent un parallèle troublant à ce récit fictif. Au-delà de son propos très intéressant, il y a une mise en scène correcte qui rappellera à certains moments les grandes heures d’Hitchcock et de son légendaire Les Oiseaux (même principe concernant l’absence d’explications sur les intentions des oiseaux). Si le film a plutôt mal vieilli, le propos déroutant et l’aspect choquant du long-métrage en font un film dérangeant et très interrogateur. Car outre l’aspect désuet des effets visuels, Les Révoltés de l’An 2000 fait preuve d’un travail aussi déroutant qu’inquiétant sur son réalisme, frôlant parfois avec le documentaire.  Avec ce film,  Serrador deviendra une référence pour les futurs cinéastes fantastiques espagnols, mais surtout il laissera la trace d’un réalisateur marqué par le franquisme de la société espagnol et les horreurs qui ont pesé sur le monde. Un film passionnant et qui pousse à la réflexion.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[RÉTROSPECTIVE KIDS IN THE DARK] Sa Majesté des Mouches

Réalisé par Peter Brook (1963). Présenté au Festival de Cannes en mai 1963. 

Clément Fauré : Nominé pour la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1963, Sa Majesté des Mouches est l’adaptation par le réalisateur britannique Peter Brook du roman éponyme de William Golding dans lequel on observe les effets d’un retour brutal à la nature sur une poignée de jeunes garçons, échoués sur une île déserte. Avec une pertinence incontestable, Peter Brook dresse le tableau effrayant d’une micro société entièrement reconstruite sur de purs réflexes éducatifs enfantins, qui finira par laisser place à une sauvagerie ancestrale et à une barbarie sans nom. Le metteur en scène confronte deux visions diamétralement antithétiques du pouvoir et de la survie, mettant en exergue les deux facettes d’un même être humain, civilisé ou indompté […] Le film s’illustre ainsi par une morale académique sur les menaces de l’anarchie, allègue un scepticisme sur le doux état de nature de Rousseau et revendique la vision d’un Homme dans lequel le Mal est inscrit […] Parabole terrifiante mettant en résonance la nature profonde de l’être humain avec la cruauté de l’enfance, le film demeure une œuvre à l’esthétisme soigné dans laquelle de longs plans fixes en noir et blanc offrent une beauté indiscutable. Le travail de photographie dignement réalisé est soutenu par les excellentes prestations des jeunes acteurs, qui semblent eux-mêmes si naturels que le film peut en paraître assez gênant. Il se permet même de prendre des allures quelques peu indescriptibles, la dernière partie de l’œuvre tendant vers le cinéma d’horreur, faisant ressentir une sensation d’étouffement chez le spectateur. Film dérangeant de par son réalisme et menaçant de par son propos, sa portée aujourd’hui encore est universelle, sa résonance, authentique. Un « must see », unique en son genre.

Note de la rédaction : ★★★★★ 

Vous pourrez retrouver la première chronique des pérégrinations fantastico-strasbourgeoises dès mercredi. Au programme, une babysitter pas très sympa, un orgasme métalleux et des créatures aussi mignonnes que monstrueuses sous la Cathédrale de Strasbourg. A mercredi !

Pour plus d’informations sur le festival : http://strasbourgfestival.com/ 

*Je remercie Julien Breton -non-rédacteur du site mais passionné de cinéma fantastique- pour avoir pris le temps de me faire partager ses connaissances et  ses ressentis sur quelques films de la rétrospective. Vous pouvez suivre son actualité sur Senscritique