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Thor : Ragnarok, le dieu du tonnerre se révèle enfin

Le divin héros asgardien fait un retour énergique sur nos grands écrans sous la houlette du néo-zélandais Taika Waititi. Finie la puberté cinématographique pour Thor qui, privé de marteau bien dur, doit aujourd’hui mettre en branle le Ragnarök, soit la fin d’Asgard. Critique du dernier blockbuster de la « maison des idées » en trois points.

Mais d’abord, le synopsis du film : « Privé de son puissant marteau, Thor est retenu prisonnier sur une lointaine planète aux confins de l’univers. Pour sauver Asgard, il va devoir lutter contre le temps afin d’empêcher l’impitoyable Hela d’accomplir le Ragnarök – la destruction de son monde et la fin de la civilisation asgardienne. Mais pour y parvenir, il va d’abord devoir mener un combat titanesque de gladiateurs contre celui qui était autrefois son allié au sein des Avengers : l’incroyable Hulk… »

« Warning, Waititi is rebooting a Marvel saga ! »

Taika Waititi nous vient du cinéma indépendant néo-zélandais. Notamment connu pour son grand succès Vampires en toute intimité (un mockumentary sur une famille de vampires), on doit aussi au cinéaste Hunt for the Wilderpeople ainsi que Boy : le premier suit un gamin et son oncle fuir les ennuis en partant habiter dans le Bush néo-zélandais ; le deuxième conte le récit d’un enfant fan de Michael Jackson et imaginant son père absent comme un héros maori et comme d’autres figures héroïsées, l’enfant devra confronter ses rêves à la réalité lorsque le père fait son retour. Dans ses films, Waititi met en scène des récits classiques : un drame familial, un parcours initiatique, le fonctionnement d’un clan de vampires. Cela, pour mieux les pirater, les déconstruire, les détourner.

On pouvait ainsi attendre beaucoup de l’arrivée du cinéaste sur le prochain Thor. La saga avait déjà connu deux volets chaotiques sans succès critiques et véritable plébiscite public malgré des résultats au box office plus que corrects. Quatre ans après The Dark World, Waititi tient les clefs de l’univers asgardien et nous présente le surprenant Ragnarök. Mais bien avant la sortie du long métrage, Waititi avait donné un avant-gout du spectre humoristique qu’il voulait appliquer au dieu du tonnerre. En effet, il avait réalisé des petits clips mettant en scène Thor dans son quotidien de super-héros loin de ses amis Avengers et des événements tragiques de Civil War :

Thor, en toute intimité.

Thor : Ragnarök est bien un film de Taika Waititi. Oubliez les deux premiers volets kitschs et chaotiques. Le nouveau film de la Thor-saga n’a pas la gravité et la lourdeur des deux premières aventures. Exit aussi Natalie Portman, son jeu improbable et son intrigue amoureuse à deux sous, exit l’aspect Shakespearien de bistrot, Ragnarök apporte un véritable vent de fraîcheur au Marvel Cinematic Universe, paraissant encore plus frais après l’expérience du récent et chaotique Spider-Man Homecoming.

Ainsi Taika Waititi ressuscite la saga Thor : un univers riche enfin exploité, un récit classique mené de manière hyper-efficace… Thor : Ragnarök est une comédie d’action, un roller-coaster où science-fiction, fantastique et mythologie se rencontrent, parfois pour donner naissance à des moments improbables de bande-dessinée mais formidablement funs et épiques.

Imparfait certes, ce nouveau volet des aventures de Thor n’en est pas moins malin : Waititi ne sait pas (encore) mener de grandes scènes d’action, mais il sait manier la comédie, ainsi un lancer de marteau se transforme en attraction comique où l’élément tournoie, brise, danse en somme. Le cinéaste a su aussi profiter du savoir faire d’ILM pour réaliser de formidables tableaux d’héros de comic book : celui des Walkyries visible dans la bande-annonce ; ou le retour du dieu du Tonnerre. L’équipe du film n’a pas à rougir si certains veulent comparer leurs images à celles d’un Snyder (300 ou encore Batman v Superman L’aube de la justice). Bien au contraire, car le film n’a pas l’ambition d’être une fresque morale, politique, avec une profondeur humaine mise en exergue. Ragnarök est honnête, à l’image de son cinéaste qui veut exciter, émouvoir et amuser le public en lui racontant une histoire de héros loin d’être creuse et non signifiante.

De Taika l’immigré d’Hollywood à Thor l’expatrié d’Asgard…

Le sentiment de nouveauté – dans la saga – se ressent notamment dans le traitement de l’urgence du sauvetage. Ici, l’horreur n’a pas besoin d’être explicitée par des visages boudeurs, des discours sentencieux ou encore des tournures de phrases imbibées de parfum estampillé « Shakespeare in Love ». Lorsque Thor demande de l’aide, il le fait simplement et directement. Si la personne ne veut pas l’aider, tant pis, il se débrouillera seul, car la destruction n’attend pas pour agir. L’urgence n’a guère à faire des beaux discours, seuls les actes comptent.

Aussi, la fraîcheur se fait dans l’intéressant sous-texte du film. Thor est un expatrié, à l’image de Banner/Hulk et de la Walkyrie déchue qui boit pour oublier en attendant la mort. Loki lui, porte toujours ses erreurs passées et son statut de fils adoptif. Le dieu de la malice continue d’ailleurs de jouer des tours à son frère, mais peut-être est-ce pour lui dire à quel point il l’adore ? Peut-être est-il juste perdu dans ses relations. Quant au cinéaste, il est un néo-zélandais débarqué à Hollywood pour s’insérer dans l’énorme machine Marvel (appartenant à un méca bien plus immense encore nommé Disney). Quel est notre rapport à notre pays, à notre famille, à notre héritage ?

Hela, la déesse de la mort, est prête à semer la destruction dans le domaine d’Asgard.

Voici la question qui habite le récit de Thor : Ragnarök. Le film réfléchira, doutera, et trouvera finalement une réponse intéressante : ce n’est pas un lieu, une terre qui fait Asgard, c’est un peuple. Waititi a des racines Maori. Est-ce que le fait d’avoir quitté la Nouvelle-Zélande lui a retiré son attachement ? Probablement pas. Idem pour Thor qui sera toujours un asgardien et qui ne porte pas le titre de dieu du Tonnerre juste pour le prestige. Le héros a un héritage en lui qu’il va devoir assumer pour mieux le révéler. Concernant Loki, il sera toujours, non pas l’enfant adoptif mais, le fils d’Odin et le frère de Thor. Ainsi Asgard vivra au rythme du cœur de ses habitants. On pourrait toutefois remettre en question l’un des éléments finaux de l’intrigue (attention, spoilers) : Thor prend la tête du royaume, il s’assoit sur son trône, le peuple est derrière lui débout. Une question se dessine : est-ce que ce sont les individus qui façonnent Asgard ou ses individus dans un fonctionnement de gouvernance royale ?

On sait que Waititi a cherché à rendre son film le plus efficace possible au montage. On peut toutefois regretter la rapidité de certaines scènes qui auraient mérité plus de temps d’installation (on pense – attention aux spoilers – aux retrouvailles avec Odin et à son poétique décès). De même lorsque la Walkyrie explique rapidement qu’elle tente d’oublier Asgard et ses sombres histoires ainsi que la mort de ses sœurs… Le dialogue est rapide, mais obéit au paradigme selon lequel les personnages qui veulent servir la cause n’ont pas le temps de faire de longs discours. Anecdote amusante, l’alcool est notamment lié à la volonté d’oubli de la guerrière, mais après son explication, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle décide d’arrêter de boire en se reprenant en main. Waititi est décidément malin : la fille n’arrêtera pas la bouteille.

« Ah-ah, ah!

Ah-ah, ah!

We come from the land of the ice and snow

From the midnight sun, where the hot springs flow

The hammer of the gods

W’ell drive our ships to new lands

To fight the horde, and sing and cry

Valhalla, I am coming! »

Paroles de la chanson The Immigrant utilisée à deux reprises dans le film

On pourra aussi apprécier l’utilisation de la musique The Immigrant (Led Zeppelin, 1970) qui n’a pas juste servi à la promotion du film dans l’une de ses bandes-annonces. Elle participe de manière efficace à la mise en place des moments épiques du film – qui se caleront excellemment sur ses paroles. Aussi le titre appuie le propos sur le pays, le retour des personnages expatriés, et leur parcours guerrier pour la paix. On pourra toutefois regretter sa présence qui vient surexpliciter ces mêmes dernières réflexions malgré une double utilisation rusée et furieusement fun.

Ci-dessous, The Immigrant, une musique asgardienne.

D’Iron Man 3 à Thor (3) Ragnarök

Ragnarök semble être à Thor ce qu’Iron Man 3 était à sa propre saga. Les deux longs métrages trahissent leur matériau original. Aussi ils tentent d’exister en tant que films avant de proposer des clins d’œil à l’univers Marvel ou d’être des spin-off hyper-connectés à ce même Marvel Cinematic Universe. Ils essayent de proposer des récits classiques (la fuite, la poursuite et le thriller dans IM3 ; l’exil et le retour du héros dans TR) tout en les enrichissant avec leurs thèmes (le terrorisme et le trauma post 11 septembre dans IM3 ; l’immigration et le lien sa patrie et son histoire dans TR), puis en les court-circuitant scénaristiquement (Stark ne porte quasiment pas d’armure dans IM3 ; Thor n’a plus de marteau et doit faire équipe avec une fille névrosée et alcoolique, et passer par « l’anus du diable » pour rentrer, etc). Ce piratage agit aussi sur le plan formel : Shane Black fait exploser les individus touchés par Extremis de manière assez violente, et arrive aussi à apporter une forme de thriller/épouvante avec les Terminator-Extremis-Guys pourchassant Tony ; Taika Waititi ouvre tellement l’univers et se permet certaines blagues que l’on arrivera dans une séquence où des guerriers momifiés affronteront un vaisseau spatial d’un côté, et tenteront un génocide de l’autre, un asgardien paumé fera le choix de la rédemption et affrontera ces mêmes momies à coup de M16. À côté de ça, un grand musclé vert nommé Hulk affrontera un grand chien loup, tandis que Thor, véritablement devenu le dieu du Tonnerre réveillera un démon géant fou tolkien-esque pour détruire Héla, la fameuse bad guy de la mort qui tue.

Si Shane Black n’a pas pu rendre Tony Stark alcoolique suite aux plaintes d’associations de parents, Taika Waititi a décidément su profiter de son pouvoir de relancement de la franchise pour amener certaines tares humaines dans l’univers Marvel. Du cul nul de Hulk au détournement par la théâtralisation littérale des premières aventures de Thor et Loki en passant par l’alcoolisme de la Walkyrie déchue et la bière illimitée de notre « Lord du Tonnerre », Waititi a su – comme Black avant lui – amener un récit à la fois classique et frais dans une saga qu’il a ensuite enrichie et piratée non sans un immense plaisir. À l’instar d’Iron Man 3, Thor : Ragnarök divisera probablement les spectateurs et les fan(atique)s à cause de certains choix : la comédie plutôt que la blague allégeant chaque moment tragique (cf. Avengers) ; le trahison du matériau original ; ou encore le fait que le long métrage soit davantage concentré sur lui-même qu’occupé à vendre le prochain Avengers (oui oui, un spectateur s’en est plaint à la sortie de la salle : « il sert à rien, on en sait pas plus sur Avengers Infinity War »).

Même si on pourra regretter le rythme parfois trop rapide du récit – et quand bien même le film est imparfait – le Thor signé Taika Waititi est une belle réussite et une franche partie de plaisir. Enfin le long métrage permet à la saga d’avoir un volet digne du dieu du Tonnerre.

Bande-Annonce – Thor : Ragnarok

Fiche Technique – Thor : Ragnarok

Réalisation : Taika Waititi
Scénario : Eric Pearson, Craig Kyle, Christopher Yost, d’après les personnages crées par Stan Lee, Larry Lieber & Jack Kirby
Interprétation : Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Cate Blanchett, Tessa Thompson, Mark Ruffalo, Idris Elba, Jeff Goldblum, Karl Urban, Anthony Hopkins
Directeur de la photographie : Javier Aguirresarobe
Montage : Joel Negron, Zene Baker
Direction artistique : Bill Booth, Brendan Heffernan, Richard Hobbs, Alex McCaroll
Décors : Beverley Dunn, Dan Hennah, Ra Vincent
Costumes : Mayes C. Rubeo
Superviseur des effets visuels : Jake Morrison
Compositeur : Mark Mothersbaugh
Producteurs : Kevin Feige, Louis D’Esposito, Victoria Alonso, Brad Winderbaum, Thomas M. Hammel, Stan Lee
Production : Marvel Studios
Distribution : Walt Disney Pictures (international), The Walt Disney Company France

Etats-Unis – 2017