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Saint Amour, un film de Gustave Kervern et Benoît Delépine : critique

En lisant l’étiquette, un début de réponse apparaît. Au-delà des ingrédients habituels du duo (Gérard Depardieu, Benoït Poelvoorde, Michel Houellebecq, Gustave Kervern dans un petit rôle) émergent de nouvelles têtes : le jeune Vincent Lacoste, la double Ana Girardot, la césarisée Izïa Higelin, l’osée Ovidie, la timide Solène Rigot, la cavalière Céline Sallette. Autant de visages qui viennent renouveler la galerie de rencontres improbables auxquelles nous ont habituées les deux compères.

Synopsis : Comme tous les ans, Jean (Gérard Depardieu) se rend avec son fils Bruno (Benoît Poelvoorde) au Salon de l’Agriculture. Le premier vient présenter son plus beau taureau tandis que le second noie son chagrin en goûtant tous les vins du Salon. Mais cette année, Jean a quelque chose à dire à Bruno alors pour gagner du temps, il l’emmène faire la vraie Route des Vins. Accompagnés d’un jeune chauffeur de taxi (Vincent Lacoste), le père et le fils effectuent un voyage qui sera évidemment rempli de rencontres et de révélations.

Saint Amour est le septième long-métrage qu’écrivent et réalisent ensemble Gustave Kervern et Benoît Delépine. Une collaboration fructueuse dont la longévité n’a d’égale que la régularité : un film tous les deux ans, invariablement. Entraîné par une telle mécanique, peut-on continuer à s’inventer ? Semblant de réponse dans l’article ci-dessous, où l’on n’a pas résisté à la tentation de la métaphore vinicole.

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Sur l’étiquette, au-delà du texte, un dessin. La ligne est claire, le fond blanc uni, le tout paraît naïf. Le ton est donné : terminées les recherches esthétiques, le but est d’aller au plus simple, au plus évident. Ainsi, les gimmicks qui avaient permis au duo de se hisser bien haut dans le cœur des cinéphiles -de l’image granuleuse des caméras numériques aux plan-séquences fixes coûte que coûte- ont disparus. L’image se fait réaliste, la caméra plus légère, discrète. Même la nouvelle tête Sébastien Tellier, invisible derrière sa partition, s’est mis au pas d’une bande originale sans fioritures mais entraînante (quoiqu’un peu courte). Jusqu’ici, tout porte à croire que les deux réalisateurs ont redoublé d’efforts pour renouveler la composition de leur cépage, a priori dans le sens de la simplicité. Mais finie la lecture, il est temps d’ouvrir la bouteille.

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Versons le vin, observons la robe : un début de déception se fait sentir. Car si l’étiquette est différente, la couleur est sensiblement familière. La structure du film est en effet inchangée : deux membres d’une famille qui se sont éloignés, un road-trip destiné à les réconcilier, Gérard Depardieu en vadrouille téléphonant à une mystérieuse femme disparue (qui, en outre, a la voix de Yolande Moreau), plusieurs rencontres avec des filles improbables mais finalement salvatrices… Autant de choses que l’on a méchamment l’impression d’avoir déjà vues dans Aaltra, Mammuth ou Le Grand Soir. Malgré plusieurs bonnes idées flottant ici ou là (des chambres d’hôtes, un aquarium, une visite d’appartement…) difficile de ne pas voir que ce rouge est beaucoup trop clair pour être satisfaisant.

Plonger le nez nous confirme que s’il n’est pas bouchonné, l’arôme manque de finesse. On est ici plus près du Groland que de Kaurismaki qui influençait le duo à ses débuts, et la poésie de Houellebecq a laissé place aux proses de comptoir et aux métaphores agricoles. L’hommage au monde paysan devient malheureusement une excuse à trop peu de délicatesse, que le binôme arrivait pourtant à tirer de presque tout -une zone industrielle, l’épluchage d’une patate, un tournoi de moto-cross. L’essentiel est là : la tendresse, l’amour, la sincérité, mais la perte de radicalité dans la mise-en-scène rend le tout un peu fade.

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Une fois en bouche, le Saint Amour se dévoile complètement. Loin de trahir son appellation, il s’inscrit complètement dans la lignée des bouteilles précédentes, au risque peut-être de se répéter. Paradoxalement, c’est sans doute dans cette répétition que le film parviendra à conquérir un nouveau public. Car, délesté de ses exigences minimalistes, il se révèle plus populaire, mieux installé dans la tradition de la comédie franchouillarde, et donc plus apte à plaire à une large audience. Le film se qualifierait presque de familial, si l’on oubliait que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé des mineurs.

Les palais les plus fins commenceront à se demander si le Kervern & Delépine n’est pas un peu court en bouche, mais les plus honnêtes admettront que sept films, c’est déjà un belle longueur. Dès le lendemain et sans langue de bois, toutes et tous admettront que, si Saint Amour n’est peut-être qu’un moyen cru, c’est en tous cas une bonne cuite.

Saint Amour : Bande annonce

Saint Amour : Fiche technique

Réalisateurs: Benoît Delépine, Gustave Kervern
Scénario : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Interprétation : Benoît Poelvoorde (Bruno), Gérard Depardieu (Jean), Vincent Lacoste (Mike), Céline Salette (Vénus)…
Musique : Sébastien Tellier
Photographie : Hugues Poulain
Montage : Stéphane Elmadjian
Producteurs : Benoît Delépine, Gustave Kervern, Jean-Pierre Guérin
Sociétés de production : JPG Films, No Money Productions, Nexus Factory, Umedia, DD Productions
Distribution: Le Pacte
Durée : 101 minutes
Genre : Comédie
Date de sortie : 02 Mars 2016
France – 2016

Auteur Amaurych