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Star Wars: Le Réveil de la force, un film de J.J. Abrams : Critique

            Synopsis : Dans une galaxie lointaine, très lointaine, un nouvel épisode de la saga « Star Wars », 30 ans après les événements du « Retour du Jedi ».

Le Retour de la Critique et des Jedi-Rédacteurs

            « Enfin la critique du Magduciné, le meilleur webzine ou web revue de cinéma et de série du monde » pourriez-vous vous dire. En effet, la critique arrive, comme promis dans l’article des retours de la rédaction sorti le 16 décembre, le jour de la sortie de ce septième épisode de Star Wars. On vous apportait une multiplicité de regards face à ce film universel, et les avis étaient réellement partagés. Hélas pour Le Point selon qui les rédacteurs ayant écrit un « oui, mais… » dans leur critique de ce nouveau Star Wars sont des « énergumènes », vous devrez alors à nouveau nous compter parmi ces contrebandiers de la critique. Car très chers collègues et lecteurs, peut-être sommes-nous au contraire des Jedi, plus sages que beaucoup d’autres… Aussi, comme dit dans notre précèdent texte, la critique contiendra alors des spoilers. Donc à toi jeune padawan qui n’a pas encore fait tes premiers pas à l’une des séances de ce film, comme le dirait l’un des plus grands maîtres Jedi, « Evite d’entrer dans cette grotte de la Force car bouleversée par un trop plein d’informations, tu seras ». Ou encore comme dirait Obi-Wan : « Ce n’est pas la critique que vous cherchez… ».

            Les lumières de la salle s’éteignent. Le logo Lucasfilm apparaît pour laisser place à l’éternel « Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine… ». Tout-à-coup, trente-huit ans après le premier film, dix ans après La Revanche des Sith qui venait clôturer la saga Star Wars, qui n’est autre que l’histoire de Dark Vador, d’un père qui tombera puis se relèvera grâce au fils pour enfin accomplir sa destinée : « rétablir l’équilibre dans la Force » (tout cela a été dit par Lucas, dans les commentaires des dernières éditions DVD et Blu Ray), le titre jaillit à nouveau à l’écran suivi de son générique inoubliable.

On y apprend le synopsis de ce nouvel épisode : un groupe politique fasciste héritier de l’Empire, le Premier Ordre, combat la République par tous les moyens. La Résistance, missionnée par la République, combat elle-même le Premier Ordre afin de protéger la jeune nouvelle République. Mais le Premier Ordre s’est donné une mission autrement plus précise : retrouver et éliminer Luke Skywalker, le dernier des Jedi.

            Vous vous dites déjà que ce résumé n’est pas sans rappeler le premier volet de la saga Un Nouvel Espoir (1977, même si le sous-titre fut rajouté en 1979) et L’Empire Contre-Attaque (1980) ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas des cas isolés aigris ou n’ayant pas compris ce nouveau Star Wars, bien au contraire…

Planètes désertique, enneigée, forestière,

base spatiale hyper-armée, il est temps du…

Réveil du Magnétoscope

            Star Wars Le Réveil de la Force n’est pas juste un sequel de la saga monstre de George Lucas. S’il est un film presque entièrement créé par des fans héritiers et des anciens de l’empire Lucasfilm tels que Lawrence Kasdan – « presque » car lancé par Lucas et Kennedy bien avant la vente –, on peut se demander s’il n’est pas aussi un film justement trop fait par des fans, et si le créateur fou déifié à de maintes reprises mais assumant ses défauts qu’est Lucas ne nous manque pas ici.

            Car, en effet, ce septième volet tend plus à ressembler à un medley des deux premiers épisodes auquel sont venus se greffer d’autres morceaux du Retour du Jedi (1983) – que ce soient des situations trop similaires, des personnages (le/la jedi, le gars cool de l’espace au blaster entre autres) et des lieux (planète désertique, planète forestière, planète enneigée mélangée avec l’Étoile de la Mort puissance dix) et même quelques idées de la prélogie. Il ne faut toutefois pas oublier que la saga a été construite par Lucas à partir des réutilisations de récits mythologiques et légendaires, et sur des parallèles entre des événements et des récits entre les deux trilogies. Mais ici, il semble que le film n’a pas continué de se construire à partir des recherches et réflexions Campbell-iennes – Joseph Campbell est l’auteur du Héros aux mille et un visages et d’autres ouvrages clefs sur la narratologie, science du récit et ses schémas et personnages-archétypes (…) – de Lucas. Non le film reprend les autres films, voilà où est le problème. Plus frustrant encore, il réutilise les deux premiers films pour en faire une seule et même œuvre. Ainsi il ne s’agit pas ici de poursuivre la saga, mais plus de faire un rembobinage des anciens pour toutefois mieux avancer peut-on espérer. Aussi nuançons notre propos en disant que comme Lucas qui a fait de ses films des métaphores de nos sociétés (avec la prélogie) ou encore des paraboles (avec la trilogie originale), Abrams a pensé le Premier Ordre comme le retour brutal des nazis, regroupés et réarmés. Et le film renvoie visuellement à cela, avec l’iconographie du mal en blanc, noir et accompagné de rouge. Si cela peut renvoyer à la montée du fascisme en Europe et même aux US avec Donald Trump, ce n’est pas une véritable métaphore de notre réalité. On sait que Lucas voulait revenir sur le côté politique avec l’impact des actions passées sur le présent politique, social et familial – toujours du côté des Skywalker donc. Il s’agit donc pour Lucas de travailler la mémoire, le trauma, et le retour de forces fanatiques des ténèbres du passé malgré tout ce qui s’est passé. C’était alors un véritable travail sur le retour du fascisme ou du nazisme avec des individus prêts à assumer leur histoire malgré tout, ou d’autres qui ne la connaissent pas. Ces deux motifs sont présents dans le film sorti ce mercredi 16 décembre, mais assez différemment, loin du travail à la fois macro- et microcosmique de Lucas qu’on peut avoir dans la prélogie.

Transmission, Histoire, histoire et impact…

Traumatisme et mémoire individuelle et collective

            Dans le film, plusieurs personnages sont victimes d’une histoire personnelle (l’arrachement à une famille pour certains et la perte d’un fils pour d’autres) et collective (la défaite de l’Empire qui a marqué des paysages – voir Jakku – et tout de même donné naissance au Premier Ordre). Ces traumatismes permettent de montrer l’impact de l’histoire sur le présent, un présent toutefois présenté de manière microcosmique, c’est-à-dire qu’on voit à peine les modes de vie des civilisations, des grandes communautés. Il s’agit de suivre un individu ou des groupes, ce qui n’est pas sans rappeler le tout premier Star Wars, qui arrivait toutefois à nous présenter dans des dialogues propres et concis ou encore mystérieux le contexte socio-politique de la galaxie, on peut par exemple penser au Grand Moff Tarkin qui nous parlait du Sénat Galactique et de sa dissolution au profit de sa domination par des Gouverneurs. Ou bien même à Obi-Wan qui, lors de son explication rapide et mystérieuse d’une ère qui l’était tout autant à l’époque, évoquait « the clone wars », la Guerre des Clones. Un manque de subtilité par rapport aux anciens nous direz-vous ? Et nous vous acquiescerons avec ce petit sourire et ce regard empli de malice et de sagesse digne d’Obi-Wan Kénobi. Si bien que lorsque Kylo Ren – le sombre nouveau seigneur noir de la saga, point du film sur lequel nous n’aurons pas le temps de s’attarder, hélas pour vous et nous – évoque l’utilisation d’armée de clones plus obéissante que les stormtroopers arrachés aux familles et conditionnés dès la naissance, nous nous disons que non seulement ça n’est pas subtil mais surtout c’est peu pertinent. Pourquoi pas utiliser des clones ? Parce que, comme nous l’avons appris depuis avec les films et la première série animée (ou encore avec l’Univers Étendu détruit par Lucasfilm pour devenir des légendes mais étant toutefois une certaine source d’inspiration pour le nouveau volet), les clones ont un vieillissement accéléré qui leur permet d’être opérationnels au plus vite, mais dès lors limités par leur obsolescence programmée. Nous avions discuté avec Patrice Girod lors de la soirée George Lucas chez TCM Cinéma de la possible présence d’éléments précis incohérents. Il parlait notamment d’un stormtrooper qui arrivait en pleine bataille pour affronter Finn (le héros incarné par John Boyega) avec une sorte de bâton de force et un bouclier. Cette individualité dans une armée censée être programmée et vidée de toute humanité et personnalité propre à chacun était incohérente. Certes nous avons affaire au Premier Ordre et non à l’Empire pourrait-on penser. Problème, beaucoup de passages concernant ce First Order et se concentrant sur lui, présentent et insistent sur le conditionnement de leur troupes et leurs possibles dérèglements psychologiques vérifiés et à retravailler. Donc que fait ce stormtrooper, déjà bien trop individualiste disant « Traître ! » à Finn, au milieu de cette bataille armée de manière aussi différente à part incarner un challenge de combat de sabre laser pour le héros et la cause d’un combat brutal et attendu par le public ? Autre idée incohérente, on peut entendre un personnage dire de son fils qu’il a « trop de Vador (Vader) en lui ». L’oncle de Luke dans le premier film, Owen Lars, avait rencontré son père alors empli de rage, et toujours en mouvement, entre autres choses. Il disait justement – c’est-à-dire de manière parfaitement cohérente avec la prélogie sortie plus tard des 1999 à 2005 – dans le premier volet à propos de Luke, en réponse au « Il ressemble à son père » de sa femme Béru : « C’est bien ce qui me fait peur… ». Il s’agissait de rapprocher le père au fils, tout en étant conscient de ce que savait l’oncle du père. Une subtilité à laquelle on échappe à nouveau ici, puisqu’ils ne comparent pas le père au petit-fils, mais la personnalité qui avait pris le pouvoir sur celle de « l’homme de bien » (dixit Obi-Wan Kénobi) émotionnellement et psychologiquement instable qu’était le grand-père. Non, ils le comparent directement au seigneur Sith. « Ce sont des détails, des subtilités » pourriez-vous nous répondre un peu pantois, oui, nous sommes d’accord, des subtilités qui manquent cruellement au récit.

Ces éléments incohérents, ces traumas et informations peu subtiles ont une cause commune : le rythme du film.

Un réveil bien énergique pour tout le monde, voire dopé ?

Épisode III : La Revanche du Magnétoscope

            « Le rembobinage de la saga a été trop rapide » murmure Lawrence Kasdan, « Mince, faut qu’on avance alors ! » lui répond Kathleen Kennedy. « Shit ! Comment je vais faire ? », lâche dans un coin J.J. Abrams. Une conversation née de notre imagination qui reflète toutefois très bien une réalité : le récit à la fois passéiste et tourné vers le futur roule bien plus vite qu’à quatre-vingt huit miles. En effet, à partir d’une vingtaine de minutes du film, toutes les actions s’enchaînent sans temps morts, sans ellipse évidente, sans repos des personnages, somme toute en 24h chrono ou moins. Il s’agit alors pour le spectateur de s’accrocher à cette pure attraction que devient Star Wars Le Réveil de Force, ponctuée de révélations attendues pour certains, malvenues pour d’autres, et de grandes séquences d’émotions, parfois mystiques, trop courtes et mal situées pour être aussi puissantes que la Force. D’ailleurs, même pendant les vingt premières minutes, s’il y a un bien une chronologie temporelle claire, la réalisation ne nous laisse pas assez de temps (à l’inverse de ce « diable » de Lucas) pour contempler comme il se doit le génie visuel Abram-sien. Cette avancée rapide empêche la caractérisation des personnages d’être aussi souple et humaine que ce qu’on a pu voir avant et dans bien d’autres films, même fonctionnant sur des non-dits. Car ici, même ces derniers sont trop vite exposés (n’oublions pas que le film n’est pas subtil), on pense au personnage de Rey dont on sait rapidement qu’elle a des secrets et qu’elle est traumatisée… De même, tout ce qu’on savait sur les stormtroopers se retrouve explicité tel une scène érotique de Lynch qui serait reprise par des pornographes, ainsi Finn révèlera aussi trop vite son trauma, d’ailleurs vécu à sa première mission dira-t-il dans le film. Ou encore pour finir, la nouvelle arme du Premier Ordre –fanatique de l’Empire ne l’oublions pas, présenté comme un parti « fasciste » émergeant à la politique brutale, et toutefois surpuissant –, qui à l’image de celles des aliens dans le prochain Indépendance Day Resurgence, est toujours plus grosse qu’avant, plus puissante, technologiquement plus avancée, et toujours plus fragile… Ainsi on peut constater ceci, l’équipe du film n’a pas retenu l’une des leçons les plus importantes de la trilogie originale qu’ils ne cessent de reprendre, citer (nous avons même entendu des gens crier au plagiat, assez exagérément bien sûr) tels des puits de pétroles avec la richesse de notre chère planète. Une leçon de Yoda (à propos de Luke dans L’Empire Contre-Attaque) : « Celui-ci depuis très longtemps je l’observe et toute sa vie, il a regardé vers l’avenir, vers l’horizon. Jamais l’esprit là où il était, hum! A ce qu’il faisait. ». Assez explicite, n’est-ce pas ?

Fans as a Phantom Menace Theme & Finale

            (Re)Imaginez alors ce film, sorte de « remake » des deux premiers, aussi un pot pourri de toute la saga, peu subtil – peu humain avec la caractérisation des personnages douteuse et malvenue – et trop rapide pour l’être, un film qui n’est pas tant une suite qu’un reboot… Mais alors que reste-t-il ?

Il en reste un très bon film bancal trop nostalgique toutefois empli de bonnes idées, extrêmement bien réalisé même si son mixage sonore en Atmos efface dans les moments (d’action) la très belle bande-son de John Williams qu’on penserait plus inspiré chez un Lucas. Une belle aventure humaine aussi, parfois surprenante, souvent émouvante, parfois brillante, mais qui manque cruellement de temps. Temps dans un second sens ici, puisqu’on sait que le scénario fut terminé peu avant le tournage, et Abrams nous a appris dernièrement qu’il y avait de nombreuses réécritures pendant celui-ci. Si la Force s’est bel et bien réveillée, le film aurait du sortir en Mai 2016, et aurait du écouter Lucas et moins les fans afin de donner autre chose que ce que beaucoup attendaient de lui, du grand spectacle Star Wars. Ainsi Le Réveil de la Force, à l’inverse de la saga, néglige beaucoup trop l’humain, l’histoire, les personnages pour présenter une attraction cinématographique centrée sur l’aspect technologique et la science-fiction. Mais EA Games a déjà réussi cette mission avec Star Wars Battlefront, sorti au mois de Novembre 2015, en nous faisant « vivre » l’expérience Star Wars. Nuançons par le fait que c’est la réalisation et la mise en scène d’Abrams qui apportent la subtilité, par les jeux de regards, la contemplation, concentration et émotion qu’il sait apporter, ou encore avec la violence et la brutalité, l’horreur, la catastrophe humaine et universelle qu’il rapporte dans Star Wars, servant alors l’aspect de parabole historique qu’est la saga tout comme son cinéma, qui a toujours été empli d’espoir, optimiste sans vraiment l’être, car conscient de l’horreur du monde. Un film qui poursuit l’œuvre mélancolique, douce-amère et emplie d’espoir d’Abrams. Aussi nuançons à nouveau par le fait que le film est tout assez cohérent avec la saga. Un très bon film d’Abrams, loin d’être le meilleur Star Wars, ni le pire. La fin nous promet une suite emplie d’inattendu même si déjà un élément qui créera un parallèle avec l’Empire Contre-Attaque peut être attendu, la formation du jedi par un maître exilé. Ou alors, peut-être que Rian Johnson, réalisateur et scénariste de l’Épisode VIII prendra d’autres directions et alors nous surprendra, bien plus que ce volet, une tâche non difficile à remplir.

           Surprise, hors-sujet ou presque, Columbo sort de sa tombe et nous demande avec son air interrogatif toujours aussi amusant : « Euh just’ une dernière question M’sieur, est-ce que c’était nécessaire ? Je veux dire… Ce film et le reste ? ».

PS : Si cette critique termine sur une question, elle en pose d’autres, elle n’a pas travaillé certains sujets pour respecter un certain format et une ligne réflexive. Il s’agit aussi de vous respecter lecteurs / spectateurs afin d’éviter plus de spoilers. Enfin ces commentaires manquants peuvent être trouvés en grande quantité ailleurs sur la toile, traités de manière positive et négative, précise et généralisatrice, concernant Kylo Ren, le personnage féminin fort qu’est Rey, le retour des anciens de la trilogie originale, la 3D du film, etc.

 

 

FICHE TECHNIQUE 

Titre original : Star Wars: Episode VII – The Force Awakens
Réalisation : J.J. Abrams
Scénario : Lawrence Kasdan, J.J. Abrams, & Michael Arndt, d’après George Lucas
Acteurs principaux : Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Peter Mayhew, Anthony Daniels, Andy Serkis, Max Von Sydow

Décors : Rick Carter & Darren Gilford

Costumes : Michael Kaplan

Photographie : Dan Mindel

Montage : Maryann Brandon & Mary Jo Markey

Son : Ben Burtt & Matthew Wood

Musique : John Williams
Pays d’origine : U.S.A.
Sortie : 16 décembre 2015
Durée : 2h16min

Producteurs : Kathleen Kennedy, J.J. Abrams & Bryan Burk
Production : Lucasfilm, Bad Robot, Walt Disney Pictures

Distributeur : The Walt Disney Company France