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Des chansons d’amour à Marcello Mio : la filmographie commune de Christophe Honoré et Chiara Mastroianni

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné

Présenté en compétition à Cannes 2024, Marcello Mio est le nouveau film de Christophe Honoré, son septième avec Chiara Mastroianni. Il fallait autant de titres communs pour oser filmer celle qui incarne son propre père, le célèbre acteur italien Marcello Mastroianni. Comme souvent chez Honoré ou dans sa carrière, Chiara s’y excuse d’exister, de créer, d’être actrice, elle est désinvolte et charmante. Un joli cocktail qui donne envie de se plonger dans leur filmographie commune qui a commencé en 2007.

Les Chansons d’amour (2007)

Pour le casting de Chiara Mastroianni, et alors qu’il cherche une actrice sachant chanter, Christophe Honoré tombe sur l’album Home (2004) dans lequel l’actrice chante aux côtés de Benjamin Biolay. Voilà comment l’actrice rejoint le « clan Honoré » aux côtés d’autres fidèles de l’époque, comme Louis Garrel ou Ludivine Sagnier. Dans ce film, sorte de comédie musicale cruelle et moderne en forme d’hommage à Jacques Demy, elle interprète la sœur de la défunte héroïne. Un personnage en retrait, pâle, mais aussi bouleversant que parfois drôle (quand elle hurle dans la rue ou quand elle découvre les relations homosexuelles du compagnon de sa sœur). On lui doit notamment la scène sur la chanson Au parc (écrite par Alex Beaupain) où elle parcourt les allées d’un souvenir qui ne sera plus jamais.

Non ma fille, tu n’iras pas danser (2009)

Là encore, Christophe Honoré exploite d’abord un côté inattendu de l’actrice qui sait être drôle. On la voit perdue dans une gare qui rate son train et recueille un bébé pie dans son sac (à la demande de sa fille), elle ne trouve plus son fils. Bref, c’est la panique. Peu à peu, le personnage est présenté comme morcelé. Avant de s’évader vers une légende bretonne, le réalisateur raconte cette femme qui étouffe à travers des répliques aussi cultes que « personne n’aime les endives braisées dans la vraie vie maman »

Homme au bain (2010)

Voilà Chiara Mastroianni dans un vrai-faux documentaire sur sa virée à New York pendant que deux amants se déchirent et se séparent dans cette sorte de film érotique, carte blanche laissée à Christophe Honoré. On pourrait se demander : que vient faire l’actrice dans cette galère ? On peut répondre qu’elle s’en sort plutôt brillamment bien dans cette déchirante histoire de désamour entre New Yort et Gennevilliers. Un rôle d’équilibriste !

Les Bien-aimés (2011)

Dans ce film qui pourrait se présenter comme le petit frère des Chansons d’amour, Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve jouent une mère et sa fille. Chiara interprète le rôle d’une mal aimée, qui voulait seulement qu’on la regarde et qui s’évanouit, en chanson encore (toujours d’Alex Beaupain), un soir de 11 septembre 2001. L’actrice s’y montre fragile et cruelle, toujours sur ce fil tendu, avec en toile de fond sa relation à des parents qui s’aiment sans pouvoir vivre ensemble. Elle marche droite et croisant la jeune fille qu’elle était : « Tout est si calme après les danses / Je rêve dans la nuit qui avance Qu’enfin vous m’aimiez juste ça / Je ne dis pas tu je vouvoie / L’amour que je ne connais pas / Comme il est dur et froid le lit / Pour un murmure combien de cris ? »

Chambre 212 (2019)

Voilà enfin le pacte scellé avec ce film dont Chiara Mastroinanni est pour la seconde fois l’héroïne (après Non ma fille…) : la légèreté lui va si bien ! Elle y endosse un rôle d’une grande force poétique, une femme libérée, loin de penser que « les filles légères ont le cœur lourd ». Le personnage interprété par Chiara marche les mains dans les poches, elle est affirmée et s’affranchit des convenances. Une petite pépite sur l’amour libre et ce personnage qui répond à son mari auquel elle a dit vouloir « être seule » et qui lui réplique « être seule ça veut dire sans moi ? », que « non ça veut juste dire être seule ».

Marcello Mio (2024)

Quand Chiara décide de devenir Marcello elle le fait avec une classe inouïe, une dégaine inimitable, et surtout beaucoup d’autodérision. On lui demande d’être « plus Marcello et moins Catherine », voilà sa réponse. L’actrice se fond dans ce rôle comme dans une mise en scène géante et fantaisiste dans laquelle elle ne se prend jamais au sérieux pour éprouver des souvenirs qui ne sont pas vraiment les siens, dans un monde qui ressemble étrangement au sien. La voilà qui chante, qui marche fière et droite, les mains dans les poches, libérées de toute contrainte : un film qui raconte toutes les Chiara que l’actrice a été pour le cinéma de Christophe Honoré. Qu’importe si le film multiplie les clins d’œil et peut paraître exclure certains spectateurs : pour ceux qui les suivent depuis sept films, voilà une histoire qui fait sens, qui fait famille, qui fait cinéma surtout. On a vu Chiara Mastroianni jouer la tante de Christophe Honoré dans sa pièce de théâtre Le Ciel de Nantes : « j’avais vu comment il fabrique de la fiction à partir de faits réels. Il voulait faire une comédie à partir de ma vie alors que ma vie n’est pas spécialement comique. Elle n’est pas triste non plus » (voir interview de l’actrice)

Reporter LeMagduCiné