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La Chambre Bleue de Mathieu Amalric : Critique du film

La Chambre Bleue ou l’art du faux-semblant

Synopsis :

Dis- moi Julien, si je devenais libre, tu te rendrais libre aussi ? – Tu dis ?…
Un homme et une femme s’aiment en secret dans une chambre, se désirent, se veulent, se mordent même. Puis s’échangent quelques mots anodins après l’amour.
Du moins l’homme semble le croire.
Car aujourd’hui arrêté, face aux questions des gendarmes et du juge d’instruction, Julien cherche les mots.
« La vie est différente quand on la vit et quand on l’épluche après-coup. »
Que s’est-il passé, de quel crime est-il accusé ?…

Quatre ans après le burlesque Tournée, présenté à Cannes en compétition officielle et, couronné du prix de la mise en scène en 2010, Mathieu Amalric revient sur la Croisette avec La Chambre Bleue, présenté dans la catégorie « Un Certain Regard » au Festival de Cannes 2014. Son cinquième film est une adaptation d’un ralop de Georges Simenon, La Chambre Bleue paru en 1964. Un court récit, une heure et quart, ce film commence comme dans un Godard :

– Julien, tu m’aimes ?
– Dis Julien, tu… ?
C’est Esther qui pose ces questions à Julien, son amant, qu’elle connait depuis l’adolescence, tous deux poursuivent dans une chambre d’hôtel aux couleurs ocre et azur, un amour adultérin, fou et passionnel.

Co-écrit avec l’actrice Stéphanie Cléau, qui interprète également son amante, la chambre bleue est mise en scène comme un beau croquis élégant, pictural, conté à la façon d’un puzzle en 4 séquences, l’amour filmé comme une Origine du monde, le crime, l’enquête et le procès.

Un bel exercice de style dans le genre rétro, interprété comme une pièce de théâtre avec de belles scènes sensuelles. Dans cette pièce azuréenne qui accueille l’amour adultérin de Julien et Esther, les corps jouent une symphonie sexuelle, décrit par Simenon comme un « plaisir total, animal, sans arrière-pensée » … Particulièrement, la scène d’ouverture évoque une magnifique esquisse onirique, une peinture où se mêlent deux corps face à une fenêtre dévoilant un paysage orageux…
Un film étrange, entre thriller Hitchcockien et univers Lynchien, fondé sur de perpétuels allers et retours, avec une réflexion bien menée sur les méandres de la mémoire de Julien. Entre fantasme et réalité, on assiste à un jeu ou les apparences, et les coïncidences peuvent faire d’un homme parfaitement innocent le coupable parfait.

Ce polar raffiné et intimiste est habillement monté, même si le procédé consistant à mélanger la vie des accusés avant et après leur arrestation n’est pas une idée novatrice. Pourtant Mathieu Amalric réussit à nous accrocher en créant une atmosphère intense où le spectateur se retrouve dans la posture du juré d’assises. Sous la forme d’un huis clos, cette lente descente aux enfers happe le spectateur dans les dédales d’une histoire troublante, saisissante et réaliste.

Doté d’interprètes parfaits, (entre autres le comédien Laurent Poitrenaux qui incarne un juge d’instruction très crédible), et d’une réalisation parfaite pour ce genre de film basé sur un fait divers, les plans sont très beaux et le cadrage très carré du 1:33 permet d’être au plus près des personnages, tout en renforçant l’ambiance angoissante, le côté mystérieux… Mathieu Amalric signe là une œuvre toute en nuances menée comme une enquête policière à l’ancienne où le doute persiste jusqu’au dénouement final à la Chabrol. La Chambre Bleue est une œuvre immersive, obsédante, aux dialogues incisifs. Cette surimpression du Passé, sa musique feutrée d’Hetzel renforce cette romance tragique tortueuse…

« Devant le Juge » La Chambre bleue Extrait

Fiche Technique : La Chambre bleue

France – 2013
Réalisation: Mathieu Amalric
Scénario: Mathieu Amalric, Stéphanie Cléau
d’après: le roman homonyme de: Georges Simenon
Interprétation: Mathieu Amalric (Julien Gahyde), Léa Drucker (Delphine Gahyde), Stéphanie Cléau (Esther Despierre), Laurent Poitrenaux (le juge d’instruction), Serge Bozon (le capitaine de gendarmerie), Blutch (le psychologue)…
Date de sortie: 16 mai 2014
Durée: 1h15
Genre : Policier, Drame, Thriller
Image: Christophe Beaucarne
Montage: François Gédigier
Musique: Grégoire Hetzel
Producteur: Paulo Branco
Production: Alfama Films
Interprétation: Mathieu Amalric (Julien Gahyde), Léa Drucker (Delphine Gahyde), Stéphanie Cléau (Esther Despierre), Laurent Poitrenaux (le juge d’instruction), Serge Bozon (le capitaine de gendarmerie), Blutch (le psychologue)…
Distributeur: Alfama Films

Note : Le rôle à l’écran du dessinateur Blutch, en psy de prison. Il a aussi conçu l’affiche du film, comme celles des trois derniers films de Resnais.