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BoJack Horseman saison 3 : Critique

BoJack Horseman est sans doute la plus drôle, la plus mélancolique et la plus cynique des séries actuelles. Et pas seulement des séries d’animation.

Synopsis: Vedette très appréciée d’une sitcom des années 1990, BoJack Horseman vit aujourd’hui à Hollywood, rejeté de tous et se plaignant de tout. De nos jours, on le suit alors qu’il tente de retrouver la célébrité avec une autobiographie écrite par sa nègre littéraire, Diane NGuyen. BoJack jongle entre une vie de débauche et des amis souvent encombrants : Princess Carolyn, tour à tour sa petite amie, son ex-petite amie et son agent, Todd Chavez, qui habite chez lui et se considère comme son colocataire, et Mr. Peanutbutter, son ami et ennemi à la fois, héros d’une sitcom du même style et de la même époque que BoJack, mais ayant toujours du succès.

Après une excellente première saison et une seconde tout bonnement magistrale, le cheval déchu le plus narcissique de la télévision est de retour pour une troisième mouture. On avait quitté BoJack au fond du gouffre, dans un état de lamentation mélancolique alors que paradoxalement il venait de finir le tournage de Secretariat, le film censé le remettre en selle. Et c’est là tout l’intérêt de cette saison, Secretariat est un succès critique et public et le film se lance donc dans la course aux Oscars. Qui plus est, BoJack est le genre de profil qui plaît, un acteur has-been qui revient sur le devant de la scène (au hasard Matthew McConaughey et Michael Keaton ces dernières années) dans un biopic auteurisant. A ce stade de sa carrière, il ne cherche que la consécration et la reconnaissance de ses pairs pour pouvoir exister, être immortel. Mais la course aux Oscars, avec ses magouilles et ses pots de vin, sera un long chemin semé d’embûches. Mais au fond, qu’est-ce-que ça lui apportera ?

Horsenication

Ce qui frappe en trois saisons, c’est l’imperceptible changement de ton de la série qui s’éloigne de l’hilarité des débuts (tout en conservant l’humour si atypique de la série) pour toucher la mélancolie de l’existence et la tragédie de ce personnage auto-destructeur. BoJack n’a pas changé. Il boit, fume et baise toujours autant. Il n’est pas reconnaissant des gens autour de lui qui se donnent corps et âme pour faire de lui la star et l’acteur talentueux qu’il a toujours été. Ce mode de vie ne lui permettra pas de guérir de sa solitude maladive alors qu’il continue de détruire tout ce qu’il touche, y compris ses relations. Ce qui est génial dans la série de Raphael Bob-Waksberg, c’est qu’elle casse tous les codes. Les attentes des spectateurs sont toujours autant désamorcées. Toutes les relations naissent et finissent dans l’absurdité la plus totale, soit l’absurdité de la vie. BoJack vit dans un monde où les relations naissent aussi vite qu’elles disparaissent. Un monde où l’on est amené à rencontrer de nouvelles personnes tous les jours, à les côtoyer professionnellement puis les oublier et en rencontrer d’autres. C’est ainsi que des personnages que l’on va suivre pendant une dizaine d’épisodes viennent à disparaître dès leur « rôle » auprès de BoJack terminé. C’est cette mélancolie de la vie qui, avec une telle sensibilité et un tel cynisme sublime la série et fait de BoJack Horseman l’une des séries les émouvantes du paysage audiovisuel actuel.  Ce qui est extrêmement intéressant également, c’est que la série ne touche pas que BoJack. Cette solitude dans la vie touche également tous les personnages de la série, dont le thème principal est l’insatisfaction existentielle. C’est là toute la force de la série de Raphael Bob-Waksberg qui parvient à développer correctement tous ses personnages, comprenant des intrigues personnelles (en marge de l’histoire de BoJack) et des psychologies travaillées et singulières.

Quand bien même la mélancolie est plus présente cette saison, la série n’en oublie pas moins de rester un modèle d’humour cynique. Voir ce cheval se dépêtrer dans des problèmes de stars puéril a quelque chose de grinçant et jubilatoire envers cette industrie du rêve qui en prend, comme toujours, pour son grade. Encore plus à l’heure des nouvelles technologies, des réseaux sociaux et du contrôle de son image dans les médias et sur Internet. BoJack Horseman reste donc toujours cette critique féroce des travers d’Hollywood et des maux de notre société moderne. L’an passé, des moments de grâce fulgurants apportaient une plus-value indéniable à la série, comme des séquences psychédéliques magnifiques. La saison 3 comporte encore plus son lot d’expérimentations, notamment cet épisode dans les fonds marins où l’intégralité de l’histoire se passe de dialogues. Un épisode muet d’une émotion forte où BoJack doit ramener un bébé Hippocampe à son père. Comme une forme de rédemption philosophique pour ce cheval à la recherche d’un but dans la vie. A n’en pas douter, l’un des créneaux de la prochaine saison sera la volonté pour BoJack d’être père. Les Inrocks a d’ailleurs qualifié cet épisode comme étant «l’un des meilleurs diffusés cette année, toutes séries confondues». Au-delà de la course à la récompense qui anime toute la saison, BoJack Horseman a surtout eu le temps de faire son introspection et de s’en aller à la recherche d’une forme de liberté primaire. Quelle magnifique dernière scène de la saison où BoJack contemple ce troupeau de chevaux gambadant dans l’Ouest américain. Le cheval anthropomorphique qui jalouse ses compères restés à l’état sauvage, démonstration peu subtile mais pertinente de la liberté et de l’épanouissement personnel.

Plus la série avance dans le temps, et plus elle expérimente des idées de mise en scène, d’écriture et de montage qui rendent ce show extrêmement passionnant tant dans son contenu narratif que sa créativité visuelle. Jamais prévisible, bourré d’audace et d’inventivité, BoJack Horseman a révolutionné le monde des séries d’animation. Une série qui n’a aucun mal à se placer à côté des autres prestigieux shows du réseau Netflix que sont House of Cards ou Orange is the New Black. On ne peut que se réjouir d’une saison 4 déjà en chantier, comme l’a récemment annoncé Netflix.

Bojack Horseman Saison 3 : Bande-annonce (VOST)

BoJack Horseman : Fiche Technique

Créateur : Raphael Bob-Waksberg
Doublage VO : Will Arnett (BoJack), Aaron Paul (Todd), Amy Sedaris (Princess Caroline)…
Musique : Grouplove & Jesse Novak
Production : The Tornante Company, Sampson
Genre: Comédie, Drame, Animation
Format: 12 épisodes de 25min
Diffuseur : Netflix
1ère diffusion de la saison 3 : 22 juillet 2016

Etat-Unis – 2014

 

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné