Birdman, un film de Alejandro González Iñárritu : Critique

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Alfonso Cuaron (Gravity), Guillermo del Toro (Pacific Rim) ou Alejandro Gonzalez Inarittu (Babel), le cinéma mexicain n’a jamais connu telle prospérité. La dernière création hispanique, Birdman d’Iñárritu, marquera les esprits et les âges, car c’est un tour de force artistique en tout point, une ode à la créativité, et au renouvellement spirituel. Une mise en abyme jouissive et stylisée du théâtre et une satire hollywoodienne, Birdman renferme une richesse narrative à l’égal de sa beauté intemporelle.

Synopsis : L’acteur Riggan Thomson, has been connu pour avoir incarné un célèbre super-héros, monte une pièce à Broadway autour de son propre personnage dans l’espoir de renouer avec sa gloire passée. Pour se faire, il est soutenu par sa fille, fraîchement sortie d’une cure de désintoxication qui devient son assistante, par une actrice et un producteur farfelu.

La Renaissance Jouissive et flamboyante du Phœnix déchu

Métrage le plus représenté aux Oscars du cinéma en 2015, Birdman dépeint le récit de Riggan Thompson, ex superstar du cinéma pour son rôle du super héros, victime du star système hollywoodien et tentant un come-back retentissant en mettant en scène la pièce What we talk about when we talk about love de Raymond Carver. Composée d’un casting à la hauteur du projet, s’octroyant un Michael Keaton errant, une Naomie Watts ingénue, un Edward Norton libidineux et une Emma Stone toxicomane, la distribution d’acteurs se mêle et s’entremêle dans des destins à la fois tragiques et héroïques, poétiques et romantiques.

Néanmoins, l’idée que Michael Keaton interprète Riggan Thompson est tout à fait ambiguë. En effet, sans abuser d’une quelconque intellectualisation, nous pouvons dire que Michael Keaton incarne… Michael Keaton lui-même. Étonnant ? Pas tant que ça en réalité. Le personnage de Birdman, qui hante Riggan Thompson est une évidente analogie de Batman, le célèbre super héros qui a traîné à la peau de Keaton pendant la majeure partie de sa carrière. L’Oscar tend les bras à l’acteur pour sa résurrection au sein du film.

Ainsi, le film se pose comme une catharsis d’acteur, un renouvellement identitaire d’un homme déchu, trahi par l’icône qui lui a tout donné, mais qu’il lui a aussi fait tout perdre. Pour continuer dans la description de la formidable distribution, Edward Norton offre enfin un concurrent de choix à J.K. Simmons (Whiplash). Il dévoile une performance jouissive, d’un acteur célèbre nommé Mike Shiner, mais sans limite dans sa conception éthique sociale, aussi attachant que révulsant dans ses manières de vivre. On constatera les apparitions brèves de Zack Galifianakis dans le rôle de Jake, l’assistant de Riggan Thompson, un jeu à contre-emploi de ses rôles comiques célèbres, pour une composition intéressante et montrant qu’il est un acteur grandement sous-estimé.

Pour la gente féminine, Naomi Watts incarne, tout en retenue un personnage versatile. Une femme qui change de manière constante son caractère, tantôt sotte avec ses rêves de jeune fille tantôt torturée, sa performance n’en reste pas moins incomplète, n’apparaissant que très peu. Mais qu’elle n’en fut pas la surprise, de voir une Emma Stone à proprement parler parfaite. Interprétant la fille de Riggan, livrée à elle-même suite aux absences constantes de son père et devenue toxicomane repentie, elle noue une relation troublante avec Shiner et livre l’un des monologues les plus cruels, sincères et brillants de ces dernières années. L’Oscar est proche.

Cependant, au-delà de sa distribution d’exception, Birdman, c’est aussi une mise en scène sublimant un propos critique du Star système Hollywoodien. Alejandro Gonzalez Iñárritu a réussi une prouesse visuelle sur ce film, en donnant une parfaite illusion d’un plan séquence continu de deux heures. Par sa caméra constamment en mouvement et par l’absence totale d’un quelconque classicisme (aucune trace d’un champ/contre-champ), Inarittu devrait sans doute remporter la statuette de meilleur réalisateur.

Par ailleurs, si on peut s’attendre à un Brazil moderne, aux vues des extraits promotionnels, notamment sur le côté psychédélique de l’esprit de l’acteur, mais il n’en est rien… du moins, pas tout à fait. En effet, le film baigne dans un hyper réalisme constant, c’est à dire une frontière entre réalisme et surnaturel assez difficile à distinguer. Cet hyper réalisme, qui permet au réalisateur, grâce à sa mise en scène, de jouer avec notre esprit comme bon lui semble, afin de s’approprier les codes du genre.

Ainsi, nombreux sont les questionnements sur l’état d’esprit du personnage. Paranoïaque ou harcelé, acteur de cinéma ou de théâtre, l’hyper réalisme se maintient tout au long du métrage et permet ainsi, des interprétations différentes selon le spectateur. Toujours maîtrisé et d’une crédibilité sans faille grâce à l’ajout d’effets visuels efficaces, ce procédé met en lumière la confrontation entre le théâtre et le cinéma. Celle-ci, sous la forme d’une mise en abyme du théâtre dans le métrage, est surprenante.

En effet, le récit ne dévoile pas une satire du cinéma sur le théâtre ou une critique du théâtre sur le cinéma, mais montre, avec le même procédé d’hyper réalisme, que la frontière est mince entre les deux arts. On assistera même plus à une louange des pratiques qui se serviraient l’un et l’autre, tout en montrant comment les personnages, en opposition dans leurs arts, se traitent de manière féroce.

D’une part, Iñárritu procède à une satire sur les codes théâtraux en dénonçant la fréquentation hautaine de cet art, mais d’autre part, il entreprend une critique du système capitaliste hollywoodien, ne misant que sur trois jours dans la semaine pour désigner un avenir à un produit, en dénonçant par ailleurs le public de seconde zone qui y est attaché, ne poussant jamais à la réelle réflexion cinématographique.

Un dernier point à inévitablement aborder serait l’ignorance dans le sous-titre « l’inattendue vertu de l’ignorance ». En réalité, cette ignorance est ici générationnelle, clairement démontrée par la fille de Riggan: Sam (Emma Stone), fait comprendre à son père qu’il échoue inexorablement dans ses représentations, du fait de son ignorance de la société actuelle. Sans aucune connaissance des réseaux sociaux les plus populaires, ni de la gestion de son image, Riggan s’en remettra à lui-même pour renaître de ses cendres dans un plan final d’une beauté majestueuse, tel un Phoenix déchu.

Ainsi, chaque représentation au fur et à mesure que le récit avance tend à montrer l’état psychologique de Riggan et son incapacité de compréhension face à une société qui le dépasse. D’un humour noir décapant, Iñárritu entreprend de montrer la quête de rédemption et de renaissance du personnage qui apprend à aimer sa vie et à aimer ses proches qu’il ne voyait jamais, le tout dans une photographie aux couleurs chatoyantes à tomber à la renverse.

Ainsi, Birdman est un film qui fera date dans l’histoire du cinéma. Cette mise en abyme du théâtre, parallélisme du malaise d’un homme déchu avant d’être un acteur fini, ce dosage hallucinant de l’hyper réalisme constant entre la paranoïa et la dépression, mais aussi une tentative de sublimation de l’art, embellie par une mise en scène visionnaire, Iñárritu réussit l’exploit de transcender son style et de ramener au premier plan un acteur dans la tourmente. En route vers les Oscars !

Birdman : bande-annonce VOSTFR

Fiche Technique : Birdman

Réalisation : Alejandro González Iñárritu
Scénario : Alejandro González Iñárritu, Nicolás Giacobone, Alexander Dinelaris, Armando Bo
Casting : Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton, Naomi Watts, Zach Galifianakis
Pays d’origine : U.S.A.
Sortie : 25 février 2015
Durée : 1h59min
Distributeur : Twentieth Century Fox France

Redacteur LeMagduCiné