Amy, un documentaire de Asif Kapadia et James Gay-Rees : Critique

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Dotée d’un talent unique au sein de sa génération, Amy Winehouse a immédiatement capté l’attention du monde entier. Authentique artiste jazz, elle se servait de ses dons pour l’écriture et l’interprétation afin d’analyser ses propres failles.

Cette combinaison de sincérité à l’état brut et de talent ont donné vie à certaines des chansons les plus populaires de notre époque. Mais l’attention permanente des médias et une vie personnelle compliquée associées à un succès planétaire et un mode de vie instable ont fait de la vie d’Amy Winehouse un château de cartes à l’équilibre précaire.Le grand public a célébré son immense succès tout en jugeant à la hâte ses faiblesses. Ce talent si salvateur pour elle a fini par être la cause même de sa chute. Avec les propres mots d’Amy Winehouse et des images inédites, Asif Kapadia nous raconte l’histoire de cette incroyable artiste, récompensée par six Grammy Awards.

Un talent exceptionnel, un succès phénoménal, un destin tragique: voici résumé en trois étapes le parcours chaotique de la star Amy Winehouse. Comme tout bon biopic qui se respecte, le documentaire qu’en tire Asif Kapadia respecte à la lettre ces préceptes. Il en résulte alors un étrange sentiment de fascination/répulsion. Fascination pour cet enfant des quartiers populaires de Londres, très vite repéré pour sa voix grave et perchée. Sa maturité juvénile et son charisme mutin complètent assez tôt la panoplie de la parfaite célébrité en devenir. Membre du club des 27, elle est comme ses illustres prédécesseurs une écorchée vive qui façonne son art pour mieux résister à des envies de trépassement. Paradoxalement à cette fuite en avant, elle ne cessera jamais d’osciller entre provocation gratuite et candeur de petite fille.

La dualité, bien que mise en avant par le film, reste quelque peu embarrassante. Non pas qu’il réinvente la vie mouvementée de la jeune britannique, la véracité des faits illustrés et des propos captés étant plutôt à mettre à l’actif du documentariste. Ce qui dérange ici tient du fait d’un montage un rien sensationnaliste. Cette alternance de narration dramatique entre avancée chronologique et retour en arrière dénote une sincère envie d’englober une courte mais dense carrière. L’inconvénient est qu’il traîne parfois en longueur à force de trop schématiser. Il finit ainsi par épouser la forme de reportages tape à l’œil, ne retenant principalement que les frasques répétées de l’ange déchue. C’est d’autant plus dommage qu’il insiste par ailleurs fort à propos sur la toxicité reconnue de la médiatisation à outrance. Pour preuve, les passages ou la chanteuse reste très lucide sur la fulgurance incroyable de sa réussite et répète à qui veut l’entendre qu’elle n’est pas armée pour y faire face. Sa musique, puisée dans le jazz des Bobby Womack Chet Baker et autre Milles Davis ainsi que la soul des grandes sœurs Billie Hollyday et Nina Simone, reste profondément confidentielle et ne convient pas à la démesure commerciale des gros labels.

Grave à été l’erreur de vouloir la faire concurrencer Beyonce, Bitney Spears ou Justin Timberlake. De concerts ratés en tournées avortées, le calvaire de la diva ne pouvait se conclure que tragiquement. D’un naturel anxiogène, elle n’a jamais su jouir pleinement de son aura. Les circonstances atténuantes sont nombreuses: mère absente ès l’enfance, père ignoblement mercantile, promoteurs et médias atrocement envahissants, fortes addictions aux drogues dures et à l’alcool. Alors qu’elle tente très laborieusement de se défaire de toutes ses tares, elle rencontre le dénommé Blake qui la maintient dans une dépendance suicidaire. C’est le coup de grâce dont elle n’avait pas besoin. Les amis de toujours et les quelques attaches du milieu musical ont beau jeux de la retenir, rien n’y fait.

Rien de révolutionnaire ne nous est apprit, surtout pour les fans de la première heure, et la redondance explicitée plus haut n’est pas pour nous rassurer. Le portrait, tiré à gros traits, et les violons accordés ne nous y aide pas plus. Quel intérêt reste t’il donc à accorder à cet énième biopic de star meurtrie? celui d’une démarche honnête qui n’entend pas déresponsabiliser la sulfureuse compositrice. Pas plus qu’elle ne cherche à enjoliver la responsabilité d’une époque moderne plus que jamais assoiffée de sang. Janis Joplin, Jimmy Hendrix, ou Jeff Buckley plus tard ont été les malheureux précurseurs d’un machiavélique système. Celui-ci demande toujours plus de starisation et se nourrit de la peopolisation des artistes pour mieux les détruire de l’intérieur. Effrayant, surtout lorsque les responsables de ce marasme continuent d’exercer la même pression librement. D’autant plus glaçant lorsque ce système ne peut exister que par notre indéniable soif de ragots.

Enfin, et c’est peut-être la son plus grand mérite, le film est un merveilleux rappel sur le génie D’Amy. Tellement touchante dans sa vulnérabilité, elle nous émeut aux larmes quand nous la revoyons dans les moments forts de sa vie. Et nous sommes d’autant plus tristes de la voir partir aussi tot, car nous pouvons sans peine imaginer le fol héritage qu’elle aurait laisser dans l’histoire de l’industrie. « O rage, o désespoir« : tel l’adage de ce fameux poème du siècle passé, il nous reste sa musique pour constater le gâchis. Et ne pas oublier le destin funeste de cette étoile filante.

Amy – Bande-annonce

Amy: Fiche Technique

Réalisateur : Asif Kapadia et James Gay-Rees
Montage : Chris KING
Musique : Antonio PINTO
Durée : 127mn
Récompenses : Oscar 2016 du meilleur documentaire
Festival : Festival de Cannes 2015
Genre : Documentaire, Musical
Date de sortie : 08 juillet 2015

Etats-Unis – 2015

Auteur : Le Cinéphile Dijonnais (Sabri)